Bulletin, magazine du CREDIT SUISSE, août 2001
<tomlinson@bbn-tenexa>: c'est ainsi que tout a commencé. Un beau jour de la fin 1971, l'informaticien Ray Tomlinson a envoyé le premier message électronique à un autre ordinateur situé dans le même bureau à Boston. Le contenu du message en disait long sur son but: «test». Le destinataire était la propre boîte aux lettres de l'ingénieur, qu'il avait baptisée peu de temps auparavant <tomlinson@bbn-tenexa>. «bbn» signifiait Bolt Beranek and Newman, son employeur, «tenexa» étant le système d'exploitation de l'ordinateur. L'élément important et qui, a posteriori, s'est révélé visionnaire, était la séparation entre le nom de l'émetteur et celui de l'ordinateur hôte. En effet, Ray Tomlinson avait cherché sur son clavier un caractère qui ne puisse pas se trouver dans un nom de famille et qui ne soit ni lettre ni chiffre. L'heure de gloire du @ était arrivée. Pendant des décennies, le «kriksatrulla» («machin inconnu» en estonien) avait mené une pauvre existence en marge du clavier. Et voilà qu'aujourd'hui, la «trompe d'éléphant» (Danemark) est sur toutes les lèvres. Mais aussi simple que soit la transposition graphique du «shtrudel» (Israël), aussi pénible s'avère la prononciation de l'«arobase», que les Suisses alémaniques qualifient de «queue de singe»; et les autres pays ne font pas mieux, avec un «bâton de cannelle», en Suède, sans parler du «miukumauku» (le «miaou» du chat), en Finlande. Même Tomlinson n'a appris que plus tard que le «ver de terre» (Hongrie) portait en anglais le nom prédestiné de «at» («chez» en français). Tous les utilisateurs du e-mail attendent donc tranquillement @ eux que quelqu'un mette fin à cette Babel électronique autour du plus international des symboles. après tout, «web» et «e-mail» ont bien accédé à une gloire mondiale. ■ Daniel Huber
La messagerie électronique de type «Internet» naît officiellement dix années plus tard, en 1982, avec la définition d'un protocole spécifique séparé du protocole FTP: le protocole SMTP (pour Simple Mail Transfert Protocol ou «Protocole simple de transfert de fichier»)[1]. À partir de ce moment-là, le courrier électronique connaît un succès fulgurant dû en grande partie à son universalité sur le plan technique. En effet, avant cette date - et toujours un peu maintenant - cohabitaient des systèmes de messagerie hétérogènes et incompatibles entre eux[2]. Une fois les mécanismes techniques de la messagerie SMTP clairement et publiquement documentés, les systèmes de messagerie concurrents ont conçu des passerelles de conversion pour communiquer avec la messagerie SMTP faisant d'elle la messagerie «universelle» que l'on connaît aujourd'hui.
[1]
Plus précisément, le SMTP naît entre septembre
1980, date de
la première version de la Request for
comment (n°772) et août 1982, date de la
dernière et quatrième version (RFC
n°821)
[2]
À titre d'illustration, l'incompatibilité technique
dont faisaient preuve les systèmes de courrier électronique
antérieurs à la messagerie SMTP serait
équivalente à
celle de systèmes de courrier postal qui ne permettraient pas
l'envoi de lettres entre, par exemple, le Québec et la France,
tout simplement parce que les deux systèmes utilisent des formats
d'enveloppes différents.
■ Florence Millerand, Université de Montréal
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