Le Temps, 1er février 2005
NEUROLOGIE • Chez les non-voyants, le cerveau utilise à d'autres fins les zones dédiées à la vision.
Stevie Wonder ou Ray Charles sont souvent cités en exemple: la cécité
leur conférerait des capacités musicales hors du commun. Dans un
article publié le 25 janvier dans la revue PLOS Biology, des chercheurs
de l'Université de Montréal affirment avoir trouvé la raison de ce
«don».
Par le passé, plusieurs expériences ont montré que certaines
personnes nées aveugles, ou qui le sont devenues très tôt dans leur
vie, accomplissaient des tâches non visuelles (reconnaissance vocale,
mémoire verbale, etc.) plus efficacement que les voyants. Selon les
chercheurs canadiens, c'est parce que le cerveau réquisitionne
notamment pour l'audition les zones conçues initialement pour être
dévolues à la vision. Dans leur étude, les scientifiques ont demandé à
19 personnes, dont 12 étaient aveugles, de localiser les sons provenant
de 16 haut-parleurs disposés en hémicycle devant elles. Les
participants ont utilisé leurs deux oreilles dans une première série de
tests, et seulement une dans la deuxième. Dans la première situation,
aucune différence n'a été observée. Par contre, lorsque l'exercice a
été répété avec une oreille bouchée, cinq candidats non voyants ont
réussi à localiser l'origine des sons avec une précision angulaire de
15 degrés, ce qu'aucune des personnes bien portantes n'est parvenue à
réaliser.
Les chercheurs ont alors répété l'expérience, mais en soumettant
simultanément les volontaires à une méthode d'imagerie cérébrale
appelée tomographie par émission de positons, qui mesure l'activité du
cerveau en fonction de l'afflux sanguin. Résultat: les personnes
aveugles qui réussissaient le mieux l'exercice présentaient une
activité accrue dans le cortex visuel, situé à l'arrière du cerveau.
Pour les neuropsychologues, il s'agit de la preuve directe que le
cerveau possède une très grande plasticité, réutilisant au mieux les
zones inactives du cerveau.
■ Olivier Dessibourg
Commentaires