24 Heures, 26 mars 2005
Le dernier vol de cuivre en date a eu lieu [dans la banlieue genevoise]. Le CERN s'est aperçu qu’un intérimaire arrondissait ses fins de mois en subtilisant des chutes de câble et de fil de cuivre pour les revendre en France voisine à des récupérateurs de métaux. En deux ans, quinze tonnes de cuivre auraient ainsi été écoulées, ce qui aurait rapporté dans les mille euros par mois à l'employé chapardeur. Le mois dernier, [en Suisse alémanique,] une bande [...] a dérobé en l'espace de dix jours plusieurs dizaines de tonnes de cuivre dans quatre endroits différents. Ce ne sont pas là des cas isolés. En 1988 déjà, quatre tonnes avaient disparu en une nuit des locaux d'une entreprise métallière zurichoise. Des cas similaires ont également été constatés [dans le canton de Vaud].
Dans de nombreux pays, le vol de cuivre est monnaie courante. Et les voleurs sont prêts à tout pour aller chercher la matière de leur trafic à l'endroit où elle se trouve. Ainsi en Chine où en 1993, 321 pêcheurs répartis sur 42 chalutiers avaient volé 82 kilomètres de câbles de télécommunications sous-marins en cuivre - d'un poids de 300 tonnes et d'une valeur de 3 millions de dollars - rompant les communications militaires entre les bases navales de la région.
En Algérie, en Russie, en Irak, par exemple, les lignes téléphoniques et électriques, composées en majeure partie de fil de cuivre, font l'objet de pillages réguliers. Ces déprédations ont parfois des conséquences dramatiques. Comme en Afrique du Sud, il y a trois ans. Une collision ferroviaire due à un vol de câbles de signalisation avait fait 26 morts et 120 blessés. D'autres incidents mortels y surviennent, qu'il s'agisse de voleurs électrocutés ou d'agents de la compagnie nationale d'électricité tués au cours de braquages. Selon le ministre sud-africain des Transports de l'époque, ces vols causaient des dégâts alors estimés à 450 000 francs suisses chaque mois.
Si l'ère des télécommunications est logiquement celle d'une grande consommation de cuivre, sa subtilisation est aussi vieille que son usage, qui remonte à l'Antiquité.
Au Moyen-Âge, les apprentis fondeurs de cuivre destiné à la fabrication de chaudrons devaient dormir à l'atelier tant les vols étaient fréquents.
Le vol de cuivre à la tonne n'est pas ce qu'il y a de plus discret. Ni de plus rentable, au marché noir, il se vendrait autour d'un euro le kilo. Mais cela n'arrête pas les voleurs. «Dans mon métier, le cuivre est la matière qui se vend le plus cher», explique [le] patron [d']une entreprise genevoise de récupération des métaux. «Il en existe une dizaine de catégories différentes que nous rachetons entre deux et trois francs le kilo. La meilleure qualité est utilisée pour la fabrication de câbles.»
Les entreprises de ce genre sont extrêmement regardantes sur la provenance du matériel. «Il y a quelques années, nous avions sans le savoir racheté du cuivre volé», confie un employé d'une autre entreprise genevoise. «Quand son propriétaire s'est aperçu que la marchandise manquait, il a contacté toutes les entreprises de récupération et c'est comme ça que nous avons compris.» Depuis, nous relevons les numéros de plaques de tous les véhicules qui viennent chez nous et nous ne payons que si la personne nous présente ses papiers d'identité.»
Chaque vol est d'ailleurs promptement signalé par la victime, qui indique la quantité et la qualité de la matière volée afin que les récupérateurs restent sur leur garde. Par la force des choses, ces entreprises ne doivent pas seulement se méfier des revendeurs, mais aussi des voleurs. Les plus prudentes stockent donc leur cuivre dans des locaux fermés à double tour. ■ Antoine Grosjean
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