Le Nouvel Observateur, 18 juillet 2002
[Le capitalisme] est miné par la collusion, la confusion des intérêts et l'opacité. C'est devenu un capitalisme [vs anticapitalisme] de copains, de connivence. Les fanatiques du libéralisme croient en la théorie de la «main invisible» [cf. Adam Smith: L'Agora ׀ Memo ׀ UCAQ ׀ Wikipédia] selon laquelle le marché se régule tout seul. Mais, on le voit bien, cette autorégulation est un mythe. Le monde de l'économie est trop peu transparent, trop complexe. Pour que le capitalisme soit efficace et «propre», il faut que l'État impose certaines règles, et les fasse appliquer strictement. En 1906, le romancier américain Upton Sinclair a publié un roman intitulé «la Jungle», où il décrivait une conserverie de viande à Chicago et son hygiène désastreuse. Le livre a eu un tel succès que la consommation des conserves a dramatiquement chuté, dans tous les États-Unis. [L'industrie de la viande a réagi en] demandant au gouvernement fédéral de lui fixer des normes sévères de propreté. C'était, à son avis, la seule façon pour que les Américains retrouvent la confiance et achète à nouveau du corned-beef. On en est au même point aujourd'hui: pour rassurer les actionnaires, l'État doit édicter de nouvelles règles, non pas d'hygiène mais de comptabilité [...]. ■ Propos de Joseph E. Stiglitz, Prix Nobel, ancien conseiller de Bill Clinton, recueillis par Vincent Jauvert

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