Le Nouvel Observateur, 3 mars 2005Quand Gustav Klimt mourut en 1918, son dernier tableau, «l'Épousée», était resté sur un chevalet, inachevé. Il révèle l'étrange façon de travailler du peintre. On y voit le corps nu d'une jeune fille qui écarte les jambes, s'exhibant avec indécence. Klimt l'a d'abord minutieusement dessinée, et ce n'est qu'ensuite qu'il a commencé à la revêtir d'un vêtement surchargé de motifs décoratifs. [...]
Il existe plus de 4000 dessins érotiques de Klimt, mais on sait qu'il déchira des milliers de ces feuilles qui étaient répandues partout dans son atelier et sur le sol même, sous les pas de ses chats. [...] Ses modèles, une dizaine de jeunes filles, restaient en permanence dans l'atelier à sa disposition. Il ne leur demandait pas de poser, préférant s'inspirer de la spontanéité d'un mouvement.
Les voici donc, abandonnées, couchées, lovées sur elles-mêmes, ou feignant de s'assoupir. Elles semblent jouir de la chaleur de leur propre corps. La légèreté du trait, sa précision, rend compte de l'évanescence d'un moment et ose les caresses les plus secrètes. Aucun tabou n'arrête Klimt, qu'il décrive le plaisir solitaire, l'étreinte d'un homme et d'une femme ou celle de deux amies. Il écoute le corps, décrit ses désirs et ses pouvoirs, sa vie mystérieuse, inassouvie, qu'il ne faut plus brimer. Sa foi dans le corps est telle qu'on a pu rapporter de lui cette boutade: «Cette fille a un corps dont le derrière est plus beau et plus intelligent que les visages de beaucoup d'autres.»
Dans cet hymne au corps féminin et à Éros, chaque dessin témoigne de sa révolte contre les censures et l'hypocrisie de la Vienne bourgeoise et puritaine. [...] au centre du monde règne Éros, qui donne toute sa dimension cosmique à l'homme. [...] ■ France Huser
Nuda Veritas - «la Vérité nue» - est une version agrandie de la petite figure de Nika représentée sur le tableau Athéna-Pallas. Seule la position des bras a changé, le personnage tendant ici au spectateur le miroir de la vérité. On peut interpréter le serpent comme le faux tué par le vrai et/ou comme un puissant symbole sexuel. L'inscription placée en haut est une citation du grand poète et dramaturge allemand Friedrich von Schiller: «Si tu ne peux plaire à tous par tes actes et ton art, plais à peu. Plaire à beaucoup est mal.» Cette phrase illustre la nouvelle voie dans laquelle Klimt s'engagea à la fin des années 1890 et que concrétisa son adhésion à la Sécession.
Source

Commentaires