Le saviez-vous? Le soja est l'une des denrées les plus utilisées dans le monde. Cette petite graine d'origine asiatique est un ingrédient donnant de l'épaisseur à la plupart des mixtures alimentaires industrielles. Et surtout, depuis la crise de la vache folle, elle a définitivement remplacé les farines animales dans l'écuelle de nos volailles, de nos bovins ou encore de nos porcs. Elle est aussi transformée en huile de soja.
Alors du soja, il en faut désormais des millions et des millions de tonnes supplémentaires et, pour cela, d'immenses champs à cultiver. Où donc pouvait-on trouver de telles surfaces? Aux États-Unis? Non, le plus gros exportateur mondial de soja a déjà atteint la limite de ce qu'il peut produire. Et puis, le soja transgénique n'est pas vraiment en odeur de sainteté en Europe qui est tout de même le plus gros importateur de soja de la planète. En Chine alors? Là, c'est l'eau qui manque. Ainsi, le pays est dernièrement passé du statut d'exportateur à celui d'importateur. Une petite révolution qui fait les affaires du Brésil, devenu en très peu de temps le deuxième plus gros producteur d'«or vert» de la planète.
Au Brésil, cette culture s’est d’abord développée dans le sud, puis dans le centre-ouest du pays et spécialement dans l’État du Mato Grosso où se concentrent deux tiers de la production brésilienne de soja. Pour satisfaire la demande européenne et chinoise, les maîtres de l’agrobusiness - petit cercle fermé de multinationales et de gros propriétaires terriens dont l’influence s’étend jusque dans les couloirs du parlement fédéral brésilien – n’ont rien trouvé de mieux que d’aller s’implanter en Amazonie. Il faut dire que la région est alléchante: on peut y acheter des millions d’hectares pour une bouchée de pain et le fleuve Amazone est une voie royale d’exportation. Mieux, pour le soja et donc les devises, le gouvernement est prêt à fournir toutes les infrastructures nécessaires (construction de routes et goudronnage de celles-ci pour transporter le soja vers les ports) qui sont autant d’appâts pour les chasseurs d’eldorado (auxquels on ouvre de nouveaux territoires pour d'autres activités comme le bois, l'élevage de bétail ou la spéculation des terres).
Et la forêt équatoriale dans tout cela? Officiellement, elle est protégée par tout un arsenal d’instruments législatifs. Marina Silva, la Ministre de l’environnement du gouvernement Lula se bat comme une diablesse pour dompter l’avancée fulgurante et chaotique du soja en Amazonie. Malheureusement, la culture du soja sur des champs gagnés au détriment de la forêt et qui s'étendent déjà à perte de vue accélère la déforestation. En 2004, plus de 24 000 km2 ont été déboisés, soit la moitié de la Suisse. Au total, c'est plus de 16% des 4 millions de km2 de la forêt amazonienne brésilienne qui ont déjà été engloutis, une surface équivalente à la France et au Portugal réunis.
Ce sanctuaire de la biodiversité, cette pièce maîtresse de l’équilibre climatique pour toute l'Amérique latine qu’est le bassin amazonien est aujourd’hui entrée de plein pied dans l’économie mondialisée.
Dans ce jeu d’argent, le seul espoir qui reste à cet océan végétal est que les consommateurs de nos contrées demandent des comptes. ■ D'après Virginie Monnet
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