Le Temps stratégique, janvier 1998
Pour l'enfant [africain] de milieu traditionnel, jusqu'à son sevrage, le personnage central reste [...] sa mère, dont les seins lui appartiennent en propre - bien plus qu'ils ne sont des objets de plaisir pour le mari et la femme. L'enfant tète à longueur de journée, sans horaire ni représentation. Il tète à volonté, il tète à satiété. Attaché dans le dos de sa mère, il va partout avec elle. Cette position est idéale pour observer la vie quotidienne et l'environnement dans lesquels il sera bientôt amené à se mouvoir. Lorsque sa mère pile le mil, il suit avec son regard et son corps les mouvements du pilon dans le mortier. Lorsqu'elle participe aux chants d'une cérémonie de baptême ou de mariage, et balance son corps au rythme du tam-tam, l'enfant, collé dans son dos, s'endort parfois, bercé par les mouvements, la musique, et les voix douces des mères et des vieilles.
Des études occidentales ont montré que cette position dominante et l'association à toutes les activités de la famille donnent au petit Africain, dans les six premiers mois de son existence, une psychomotricité supérieure à celle des petits Européens ou des petits Américains couchés dans leur berceau, privés d'horizon, laissés seuls et contraints de sucer leur pouce ou leur biberon en lieu et place du sein maternel. ■ Abdou Touré, sociologue à Abidjan
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