Le Nouvel Observateur, 30 juin 2005
La démocratie repose sur deux piliers indissociables: la règle de la majorité et le règne du droit. La première traduit en termes pratiques le principe de la souveraineté du peuple, le second, l’existence d’une loi qui s’impose à tous et qui garantit l’exercice de la liberté. Le droit sans le peuple est le fait des régimes élitistes, ou si l’on préfère, aristocratiques. Le peuple sans le droit est le fait des régimes populistes. Les premiers peuvent s’accommoder d’une apparence de démocratie; les seconds peuvent dissimuler les réalités du despotisme [Montesquieu1 ׀ Montesquieu2 ׀ Tocqueville1 ׀ Tocqueville2].
La démocratie véritable est un combat permanent pour maintenir l’équilibre entre ses deux exigences; l’une d’entre elles vient-elle à l’emporter trop nettement sur l’autre que c’est la démocratie tout entière qui entre en crise. Dans les régimes élitistes, c’est l’idéal de l’égalité qui est bafoué; l’écart entre les conditions sociales s’accroît et la démocratie fonctionne à vide. Dans les régimes populistes, c’est la liberté qui est menacée. Car le droit n’a pas pour objet de faire respecter la règle de la majorité, mais les droits des minorités.
Pour fixer les idées, on dira que les démocraties libérales d’Europe occidentale tendent vers l’élitisme, tandis que beaucoup de régimes d’Amérique latine (le Venezuela de Chavez, l’Argentine de Kirchner, et dans une moindre mesure le Brésil de Lula) sont de nature populiste. Il en va de même de la plupart des régimes africains. ■ Jacques Julliard
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