[La reine Didon,] pour échapper à son frère qui a tué son mari Sichée, se retrouve sur les côtes des Berbères.
La beauté de Didon attire immédiatement l'attention des princes africains, qui voudraient l'épouser sur-le-champ. Mais c'est qu'elle, elle a d'autres intentions: elle aimerait bien fonder Carthage, or elle n'a pas de terre. Ainsi, Didon en demande un bout à un vieux roi qui a un fils jeune, un prince sombre et frisé. Le roi lui répond que si elle épouse son fils, prince, guerrier et, qui plus est, beau gars, elle n'a rien à demander: toute sa terre et tout son royaume lui appartiendront. Mais Didon n'a pas la moindre envie de se marier: il me suffit de tant pour construire une petite ville et un peu de terre autour, qu'elle dit. Le roi se vexe un peu, le prince aussi, car ce n'est pas drôle d'être refusé ainsi, il dit donc à Didon qu'il peut lui accorder autant de terre qu'il en tient dans une peau de mouton. Curieusement, Didon accepte. Alors tous les Berbères, le prince, le roi et la cour se moquent d'elle, disant que cette femme est vraiment stupide, puisqu'un homme allongé, pas plus, peut tenir sur une peau de mouton, alors un royaume ou une ville, tu parles... Bref, ils se moquent d'elle et lui disent d'accord, ou plutôt, comme ils sont généreux, ils lui permettent de dépecer un grand mouton. De cette manière, il lui sera plus confortable de s'y allonger, qu'ils disent en se tenant le ventre de rire.
Didon choisit la bête la plus grande, elle la fait bien tondre, puis elle la fait dépecer. Et pendant que les femmes cardent et filent la laine, les hommes tannent la peau et la divisent en bandelettes de l'épaiseeur d'un cheveu. Ils coupent tout, même les cornes et les onglons de la bête.
Les Berbères regardent les Phéniciens travailler, ils commencent à avoir des soupçons, mais ils ne comprennent pas, ils ont juste perdu leur bonne humeur.
L'écheveau de laine est prêt. Une laine aussi fine que de la bave d'araignée. La peau a été découpée en lanière si minces qu'il suffit d'un souffle pour les briser.
Onglons et cornes hachés tout fins ont été fondus à chaud pour produire un filament rigide de plusieurs mètres.
Alors, on commence à circonscrire, d'abord avec la laine, puis avec la peau, enfin avec les onglons et les cornes.
Un territoire immense. Un véritable royaume [...]
(D'après Virgile)
Marcello Fois, Ce que nous savons depuis toujours, 2001, Seuil, 2003
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