Curieusement, dès qu’on s’intéresse aux artistes africains, on pose toujours en Europe la question de leur identité ethnique, pis, ou mieux, de leur «authenticité». On leur demande toujours: «Êtes-vous vraiment des artistes africains?» On ne demandait pas à Picasso s’il était espagnol ou à Van Gogh s’il était hollandais. L’artiste africain doit être, selon notre désir, le messager d’une certaine primitivité. Si son art est considéré comme inauthentique et dénaturé, il ne sert plus à rien, il ne peut plus nous régénérer. Il y a vis-à-vis de l’art africain un vampirisme occidental: on a besoin de sa verdeur, de sa spontanéité, de sa fraîcheur. Ce paternalisme bienveillant et ambigu à l’égard de nos «petits frères africains», gardiens de l’authenticité d’un monde que nous avons perdu, réserve à l’Afrique, au sein de la géopolitique du beau, le statut de friche. C’est l’«afriche». ■ Propos de Jean-Loup Amselle, anthropologue et africaniste, directeur d'études à l'EHESS et rédacteur en chef des «Cahiers d'études africaines», recueillis par Gilles Anquetil, in Le Nouvel Observateur, 25 août 2005
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