Journal du Théâtre Vidy-Lausanne, avril 2006
Le théâtre est un jeu qui met la vie en jeu. Ce n'est pas la vie. C'est le vérisme qui prétend que ce qui se passe sur scène est la vie. Ce n'est pas vrai. C'est toute la bagarre entre Carlo Gozzi et Carlo Goldoni, qui aboutit à la télévision. Le vérisme est une tromperie monumentale. Et la télévision est une tromperie monumentale, qui fait croire aux gens qu'ils voient la réalité, alors qu'ils voient une image de la réalité. Cette confusion est terrible, elle peut donner lieu à tous les mensonges possibles et imaginables. Quelle tricherie de faire croire qu'il existe des images objectives! Toute image, déjà parce qu'il y a un angle de vue, est subjective. On n'offre aux téléspectateurs que des images subjectives du monde. Tout est essentiellement tromperie dans la télévision. Et la grande imposture, c'est qu'il ne s'agit pas d'une tromperie avouée, comme au théâtre. Ce subterfuge ne sert qu'à la publicité et à une certaine économie scandaleuse. Les jeux télévisés sont de faux jeux, toujours en rapport avec la publicité, avec le gain, toujours au service de la même idéologie. C'est une entreprise d'abêtissement colossale. Dans la lutte entre Gozzi et Goldoni, je suis pour Gozzi. Racine aussi a marqué le début du vérisme, même s'il s'agit d'un grand poète. Voilà pourquoi je préfère Molière: il se tenait près de la farce, ce qu'on lui a suffisamment reproché, mais il n'était pas vériste. Ce n'était pas vraisemblable. La recherche de la vraisemblance, au XVIIe, a signifié le début du vérisme. L'idéal de la vraisemblance! ■ Propos de Benno Besson, homme de théâtre, recueillis par R. Z., lors d'un entretien réalisé en 2002

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