Polyrama, décembre 2002
En 1950, le fameux mathématicien Alan Turing [...], dans son article «Computing
Machinery and Intelligence», paru dans la revue philosophique Mind,
s’est demandé si les machines pouvaient penser: «Can machines think?»
Au lieu de donner une réponse directe ou même une définition, il a
proposé une sorte de jeu («imitation game»), maintenant connu sous le
nom de «test de Turing». Un expert humain dialogue à distance avec un
interlocuteur humain et avec une machine. Le but du jeu est de trouver
qui est l’homme et qui est la machine. L’expert a le droit de poser
librement n’importe quelle question et de changer le sujet quand il le
désire. La machine a passé le test si l’expert n’arrive pas à la
reconnaître dans un temps raisonnable.
Turing prenait-il son test
aussi au sérieux que ses épigones? Ce n’est pas entièrement clair. Mais
le test de Turing – qui alimente des discussions dans l’IA, la
philosophie et les sciences cognitives depuis cinquante ans – est
certes très controversé, souvent pour de bonnes raisons. Le pouvoir de
décision subjective de l’expert a trop d’importance, le résultat du
test dépend énormément de la civilisation des participants et du niveau
de l’homme testé. Ainsi, quelqu’un qui calcule très vite peut être
facilement confondu avec une machine. D’autre part, aucun chien ne
passera le test de Turing, mais chaque propriétaire de chien dira de
son compagnon qu’il est intelligent!
Il ne faut donc pas considérer le test de Turing comme une jauge
valable pour mesurer l’intelligence des machines et, à raison, Turing a
aussi souligné qu’il ne faut pas non plus l’utiliser pour définir
l’intelligence. Et puis, serait-ce vraiment raisonnable que de
construire des machines ayant exactement le même type d’intelligence
que l’homme? On peut sérieusement en douter! ■ Ursina & Christof Teuscher
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