24 heures, 10 juin 2006
Malgré l'argent qu'il brasse et les affaires qui l'agitent, le football conserve un formidable pouvoir de fascination
[...] Le succès du football tient à un éventail de caractéristiques singulières. Ainsi, n'importe qui peut devenir quelqu'un; si les grandes vedettes fascinent, c'est pour la qualité de leurs performances, bien sûr, mais aussi parce qu'elles ont obtenu la gloire par leur propre mérite et non par des privilèges qui leur auraient été légués. Autant que la performance individuelle, le football valorise la solidarité, le travail d'équipe, la division des tâches, à l'image du monde industriel dont il est historiquement le produit... Le match de football possède par ailleurs les qualités de la tragédie antique. Il célèbre aussi les états nations, alors que nous ne sommes pas encore sortis de cette vision du monde... Au moment où les chaînes de télévision se sont multipliées, on pouvait se dire que trop de foot allait tuer le foot, ou encore que le nombre de spectateurs allait diminuer dans les stades. Pas du tout. Le stade offre le sentiment d'une communion, une possibilité rare de se lâcher, de faire le plein d'émotions.
[...] Longtemps, certains milieux ont considéré le football comme le spectacle de la populace. Lorsqu'un intellectuel aimait ce sport, il devait prétexter la maladie de sa belle-mère pour quitter une réunion. Les choses ont évolué, même si aujourd'hui des dénigreurs professionnels ont pris le football en grippe en soulignant ses travers. Cela dit, celui qui voudrait passer à côté de l'événement [- le Mondial -] ressemblerait à un athée qui, le jour de Noël, refuse de voir que c'est Noël et que les gens sont différents. ■ Propos de Christian Bromberger, ethnologue, recueillis par François Ruffieux
Note: Christian Bromberger, Football, la bagatelle la plus sérieuse du monde, Bayard, 1998
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