24 heures, 27 juillet 2996
Les noms des anciens Germains abondaient dans le registre martial [...]. Même les femmes pouvaient porter des noms guerriers. Hedwig et Gunthild associent toutes deux le combat au... combat. Cunégonde y ajoute la notion de lignée (kunni), Clothilde la gloire (hlod), Brunhilde/Brunehaut la cuirasse et Hildegard l'enclos (gard), symbole de sécurité. D'autres coupaient la poire en deux: Friedhild et Frédégonde sont mi-paix, mi-lutte.
Le prénom Adelheid, ancêtre d'Adèle et de Heidi, combine la noblesse et le caractère. Gisèle et Ghislain dérivent d'un mot signifiant «otage». Oda/Uta, pendant féminin d'Otto, a donné Odette et Odile. La notion de protection affleure dans la racine burg, qui désigne aussi le château. Ingeborg l'associe à une divinité nordique et Walburg (Walpurgis) au pouvoir. Son usage masculin se limite au nom médiéval Burckhardt.
Le mot «paix» (Friede) - que nous [rencontrons] chez Friedrich et Winfried - fait néanmoins contrepoint aux guerriers. Il apparaît même dans le nom du super-héros Siegfried (victoire/paix), qui se raccourcit en Sigg et recense de multiples variantes (Siffert, Seiffert, Seidi, etc.). Il possède même une forme française: Siffroy. Le prénom Ségolène, lui, traduit une Sieglind germanique qui allie la victoire et la douceur.
Enfin, n'oublions pas Dieu. C'est à lui que la paix s'associe dans le prénom Gottfried (Godefroy en vieux français). Avec les mots pouvoir et force, on obtient Gottwald et Gotthard, nom d'un évêque saxon auquel était vouée une modeste chapelle sur un col alpin. En français, il a donné Godard et ses diminutifs Godin et Gouin.
Le mot Gott dérive de l'adjectif vieux germain guot, qui signifiait «bon». Or, dans la France médiévale, Bon servait aussi de nom de baptême. On l'a même traité comme un élément germanique en forgeant les constructions bilingues Bon-hard et Bon-wald, devenus Bonnard et Bonnaud.
Cet exemple d'hybride est loin d'être unique. Parce qu'ils représentaient une terminaison très fréquente dans la masse des noms composés germaniques, les éléments -hard (force) et -wald (pouvoir) ont été peu à peu perçus comme des suffixes autonomes. On a pris l'habitude de les ajouter à des mots communs du vocabulaire français pour créer de nouveaux termes. Ce pouvait être des substantifs comme billard ou badaud ou des adjectifs comme criard ou noiraud. Apparu au Moyen Âge, le procédé sert toujours, puisqu'on a inventé le smicard après le soixante-huitard... ■ Alain Pichard
Complément: Quand les Français portaient des noms germaniques...
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