Le Nouvel Observateur, 7 décembre 2007
L'escalade est une fête parce que personne ne vous envoie en haute montagne. Chacun est un envoyé de soi-même. C'est un monde gratuit. Le contraire du monde du travail. [...] L'escalade, c'est la vidange totale des énergies afin qu'elles se reproduisent ensuite en soi. Le travail d'ouvrier ou de manœuvre, c'est le gaspillage d'une énergie vendue. Il faut apprendre à l'économiser pour pouvoir retravailler le lendemain. C'est une école de la résistance et de la discipline. Quand on fait un mouvement maladroit, on gaspille de l'énergie. En revanche, si le mouvement de faux ou de pioche est fait avec style, on l'économise. L'élégance, la beauté du geste, c'est la combinaison du minimum d'effort et du maximum d'efficacité. La beauté du geste est le résultat de l'intelligence physique, ce n'est pas une coquetterie du cops. [...] ■ Erri De Luca
[CRDP-Nice ]
J'attache de la valeur à toute forme de vie, à la neige, la fraise, la mouche.
J'attache de la valeur au règne animal et à la république des étoiles.
J'attache
de la valeur au vin tant que dure le repas, au sourire involontaire, à
la fatigue de celui qui ne s'est pas épargné, à deux vieux qui
s'aiment.
J'attache de la valeur à ce qui demain ne vaudra plus rien et à ce qui aujourd'hui vaut encore peu de choses.
J'attache de la valeur à toutes les blessures.
J'attache
de la valeur à économiser l'eau, à réparer une paire de soulier, à se
taire à temps, à accourir à un cri, à demander la permission avant de
s'assoir, à éprouver de la gratitude sans se souvenir de quoi.
J'attache de la valeur à savoir où se trouve le nord dans une pièce, quel est le nom du vent en train de sécher la lessive.
J'attache de la valeur au voyage vagabond, à la clôture de la moniale, à la patience du condamné quel que soit sa faute.
J'attache de la valeur à l'usage du verbe aimer et à l'hypothèse qu'il existe un créateur.
Bien de ces valeurs, je ne les ai pas connues.
Erri De Luca
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