Le Temps, 26 mars 2003
[Les grands totalitarismes du XXe siècle ont adhéré] à la position du pouvoir non pas en fonction d'arguments rationnels et à la lumière de faits, mais simplement parce que le pouvoir se bâtissait lui-même sur une exigence inconditionnelle d'allégeance à l'État de la part de l'individu, face à de dangereux ennemis, réels parfois, fantasmés souvent.
Dans un monde totalitaire, si la manipulation a pu fonctionner, ce fut sur des individus qui ont accepté, pour des raisons variées d'ailleurs, l'idée que l'instance représentant le pouvoir - parti ou leader charismatique - avait des compétences sinon universelles, au moins qualitativement sans rapport avec celles, infimes, accordées aux individus.
Cette image du pouvoir surcompétent, parfois quasi divin (qu'on se rappelle le culte de la personnalité du Petit Père des peuples, du Führer, d' Oncle Hô Chi Minh, de Mao...), s'est fondée sur des mécanismes rhétoriques et linguistiques fort bien indentifiés depuis, qui vont du flou de l' argumentation à sa fausseté dissimulée, en passant par les arguments d' autorité [Wikipédia] et les propositions fallacieuses ou moralement douteuses, assénées à coups de haut-parleurs, de slogans, et d'autorité apparente.
[Une idée de la démocratie fondée sur l'esprit critique, retrouvant une tradition intellectuelle par ailleurs bien ancienne, celle en particulier de la France des Lumières, ne met malheureusement pas nos sociétés complètement à l'abri des poussées extrémistes.] ■ Louis de Saussure et Jean-Henry Morin, chargés de cours à l'Université de Genève, respectivement au département de linguistique et au département des systèmes d'information
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