24 heures, 22 décembre 2006
[...] La violence est dans l' islam comme dans la Bible, pas moins mais pas davantage. En revanche, la dimension guerrière de la Bible a, elle, été totalement neutralisée au fil des siècles. Dans l'islam, le même processus a commencé mais il a été interrompu, et c'est le pire qui est venu après. Avec la volonté de se distinguer de la culture dominante, [...] la culture occidentale, de réagir au nom d'une différence. C'est la pire lecture qu'on vouvait faire du Coran pour mobiliser les exclus et les damnés.
[...] Dans le Coran, nous avons des versets très violents, et d'autres qui sont tout le contraire.
Sourate 2
Verset 256
Nulle contrainte en religion! Car le bon chemin s'est distingué de l'égarement. Donc, quiconque mécroit au Rebelle tandis qu'il croit en Allah saisit l'anse la plus solide, qui ne peut se briser. Et Allah est Audient et Omniscient.
Sourate 9
Verset 29
Combattez ceux qui ne croient ni en Allah ni au Jour dernier, qui n'interdisent pas ce qu'Allah et Son messager ont interdit et qui ne professent pas la religion de la vérité, parmi ceux qui ont reçu le Livre, jusqu'à ce qu'ils versent la capitation par leurs propres mains, après s'être humiliés.
[Pourquoi le «verset de l'épée» triomphe-t-il du «verset de la tolérance» ou de celui de «pas de contrôle en religion», c'est une lecture]. L'un des problèmes majeurs que connaît l'islam, ce sont les concessions que l'islam officiel est en train de faire à son interprétation islamiste. C'est ce genre de concession, par exemple, qui a abouti à l'universalisation du voile. Peu de gens savent qu'après la conférence du pape à Ratisbonne, sans doute un peu trop longtemps après, d'ailleurs, trente-huit docteurs de l'islam, et non des moindres, ont écrit une lettre de conciliation au Saint-Père, pour lui dire qu'ils acceptaient ses regrets mais surtout [...] pour l'assurer, par exemple, que le verset «pas de contrainte en religion» n'était pas abrogé. Les islamistes, eux, s'appuient sur la seule interprétation violente qui l'abroge pour annuler les quarante-neuf autres qui affirment sa permanence.
[L'islamisme n'est pas une fatalité. Une construction tout à fait opposée a été proposée: celle] de l'origine occidentale de l'islam. Tout ce qui a été fait de grand dans l'islam, absolument tout, a été fait par des emprunts à d'autres cultures. La théologie, la philosophie, la grammaire, la logique, tout cela, sans de multiples emprunts à la culture grecque, n'aurait jamais existé.
[Dans l'affaire du voile, nous] avons de nombreux textes, écrits en langue arabe, particulièrement en Égypte, mais en d'autres langues aussi, qui ont prôné le dévoilement des femmes et qui ont été suivis d'effet. Encore une fois, le retour du voile est dû à cette construction d'une identité, avec les matériaux de l'islam, destinée à se différencier de l'Occident et à le combattre.
[Mais j'ai la conviction profonde qu'il faut être très ferme sur la défense des principes.] Je me méfie terriblement du culte de la différence, quelle qu'elle soit, et c'est important dans le discours sur l'islam, qu'à la seule condition que je puisse voir en elle des éléments de partage avec ma propre identité.
■ Propos de Abdelwahab Meddeb, écrivain et professeur de littérature comparée à l'Université Paris-X-Nanterre, recueillis par Federico Camponovo
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