Le Nouvel Observateur, 11 janvier 2007
Dans les années 1970, l'enseignement littéraire a subi une mutation. Les intentions de départ étaient bonnes: on voulait enrichir l'approche purement biographique et historique qui avait dominé jusqu'alors par une analyse des œuvres elles-mêmes, conduite à l'aide de concepts clairement définis. Mais on n'a pas su maintenir cet équilibre. Au lieu de garder présent à l'esprit l'objectif ultime - comprendre le sens des textes pour enrichir sa propre vie intérieure -, on s'est concentré sur la seule étude des outils conceptuels. Or, en études littéraires, l'ignorant n'est pas celui qui ne sait pas distinguer entre métonymie [Études-littéraires] et synecdoque [Abardel | EspaceFrançais] mais celui qui ne connaît pas «les Fleurs du mal». Cette approche produit en conséquence une image appauvrie, étriquée de la littérature, qui apparaît aux yeux des élèves comme un simple jeu de procédés formels. Faut-il s'étonner, ensuite, que la filière littéraire au lycée soit délaissée ou que les jeunes lisent peu? ■
Propos de Tzvetan Todorov [BiblioMonde], historien et philosophe, recueillis par Catherine David
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