Le Nouvel Observateur, 11 janvier 2007
[...] il faut insister sur l'existence d'un monde commun. La bonne connaissance des classiques chinois n'a pas empêché Mao de devenir l'un des plus grands meurtriers de l'histoire de l'humanité. C'est que les deux activités restaient enfermées dans des compartiments étanches. Faire l'éloge de la littérature ne doit pas conduire à l'esthétisme, ou éviction de l'éthique par l'esthétique. La littérature n'est pas destinée à une tour d'ivoire, elle transforme de l'intérieur notre être et notre vie. C'est grâce à un roman que je découvre comment sentent et pensent des êtres autres que moi. L'assassin de Dostoïevski me devient proche, ou les personnages du «Dit du Genji» [UNESCO | Wikipédia1 | Wikipédia2 | Sélian], roman japonais du XIe siècle. La vocation de l'homme, disait Kant, est d'apprendre à penser en se mettant à la place de tout autre être humain; la littérature est la voie royale pour y accéder. Pour cette raison, elle est nécessaire à tous, et pas aux seuls professeurs de littérature. ■
Propos de Tzvetan Todorov, historien et philosophe, recueillis par Catherine David
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