Rapport au Conseil de l'Europe, 1997Dans les sociétés orales, les messages discursifs sont toujours reçus dans le contexte même où il sont produits. Mais, avec l'arrivée de l'
écriture, les textes se détachent du contexte vivant d'où ils sont issus. On peut lire un message écrit cinq siècles auparavant ou rédigé à cinq mille kilomètres de là, ce qui pose souvent des problèmes de réception et d'interprétation. Pour surmonter ces difficultés, certains types de messages sont alors spécialement conçus pour garder le même sens quel que soit le contexte (le lieu, l'époque) de réception: ce sont les messages «universels» (science, religions du livre, droits de l'homme, etc.). Cette universalité, acquise grâce à l'écriture statique, ne se construit donc qu'au prix d'une certaine clôture ou fixité du sens: c'est un universel «totalisant». [...] la
cyberculture reconduit la coprésence des messages à leur contexte qui avait cours dans les sociétés orales, mais à une autre échelle, sur une tout autre orbite. La nouvelle universalité ne dépend plus de l'autosuffisance des textes, d'une fixité et d'une indépendance des significations. Elle se construit et s'étend par l'interconnexion des messages entre eux, par leur branchement permanent sur des communautés virtuelles en devenir qui leur instillent des sens variés en renouvellement permanent. ■
Pierre Lévy, Cyberculture, Odile Jacob, 1997
Commentaires