Le Temps, 17 octobre 2005

Un
organisme génétiquement modifié (OGM)
[Wikipédia | ANFrance | OGMFrance | FinancesFrance | InfOGM | OGMInfo | INRA | TerreSacrée | CIRAD], ou
transgénique, est un organisme vivant (animal, végétal, bactérie...) dont le
code génétique
[Jussieu | ACVersailles | Wikipédia], lové dans le noyau des
cellules [Paramed | Jussieu], a été modifié. Y ont été insérés un ou des gènes d'une autre espèce (transgènes), dans le but d'induire chez l'hôte des caractéristiques qu'il n'avait pas auparavant.
Différences entre les OGM et les croisements de variétés naturelles
Lors de croisements naturels, on ne peut utiliser que des variétés apparentées. Les possibilités sont limitées. «Avec la
transgenèse
[Wikipédia], on transfère précisément un ou deux gènes à la fonctionnalité bien précise. Comme les gènes sont «lus» de manière universelle, on pourrait théoriquement greffer des gènes de poisson dans les pommes. Mais la loi est restrictive concernant les gènes utilisables dans l'agriculture [Jean-Pierre Métraux, professeur de biologie à l'Université de Fribourg].» Au final, les méthodes du
génie génétique permettent d'accélérer, d'élargir et de préciser tout l'opération de modification.
À quoi cela sert-il de fabriquer des OGM?
En agriculture, les rendements pourraient être améliorés. Par exemple, à certaines plantes (soja, maïs, coton ou colza) est ajouté un gène leur permettant de résister aux herbicides totaux, à des stress hydriques ou thermiques, ou à des parasites (vers, insectes, champignons). Dans la plupart des cas, la quantité d'herbicides utilisée est alors réduite, ce qui est bénéfique à l'environnement. Cela induirait aussi des économies financières pour les agriculteurs. Quelques études - une au Canada notamment - tendent toutefois à prouver le contraire. Chaque situation est différente.
D'autres OGM (le riz par exemple) ont été imaginés afin que la valeur nutritionnelle de la plante soit améliorée. Ils pourraient être cultivés dans les pays du Sud où les régimes alimentaires sont déséquilibrés, [en Chine par exemple]. Les pro-OGM avancent que la malnutrition dans le monde pourrait ainsi être éradiquée. Les opposants rétorquent que ce problème est avant tout lié à une mauvaise répartition des richesses, la planète produisant suffisamment d'aliments pour tous ses habitants. Et que les OGM profiteront avant tout à quelques multinationales qui contrôleront la production de ces aliments grâce aux brevets déposés, en interdisant aux agriculteurs de ressemer les semences récoltées.
Trouve-t-on déjà des OGM dans notre assiette?
«On ne trouve pas de fruits ou légumes OGM dans le commerce [Jean-Pierre Métraux].» Des OGM comme les maïs, le colza ou le soja peuvent entrer dans la préparation de certains produits (huiles, biscuits, etc.). «On n'y décèle alors plus le transgène, mais seulement le produit de la plante, par exemple le sucre de la betterave [Jean-Pierre Métraux].» Environ 80% des OGM cultivés sont destinés à nourrir veaux, vaches, cochons, couvées et poissons d'élevage. Ces animaux ne deviennent toutefois pas «OGM» à leur tour.
Quelle est la traçabilité des OGM?
Depuis le 17 avril 2004, en Europe, l'étiquette des produits de consommation doit mentionner les ingrédients qui contiennent plus de 0,9% d'OGM, même si la modification génétique n'est plus détectable dans le produit final (comme dans l'huile, l'alcool, etc.). Ont échappé à cette obligation d'étiquetage: les produits issus d'animaux nourris avec des OGM (viande, lait, œufs, ...) mais aussi les aliments dans lesquels ces produits sont utilisés comme ingrédients (plats préparés, aliments pour bébés, etc.). En Suisse, au grand dam des associations de protection des consommateurs, cette mesure d'information n'a pas non plus été retenue [lors de l'adaptation] de l'ordonnance su les denrées alimentaires à la loi sur le génie génétique. Dans un guide pratique,
Greenpeace France indique avoir fait l'effort de remonter la filière pour certains produits.
Quels sont les éventuels risques pour la santé?
Il n'existe pas d'étude à long terme, réalisée sur l'homme, pour répondre définitivement à cette question. Aucun consensus sur une innocuité ou une nocivité totale n'a donc pu être formellement établi. L'inquiétude subsiste concernant de possibles
allergies lorsqu'un aliment OGM est ingéré. Comme l'a montré un cas aux États-Unis, le produit du transgène (une protéine de la noix du Brésil) a induit des allergies que le seul organisme hôte (un type de maïs) n'aurait pas causées. De plus, un gène n'agissant souvent pas seul mais de concert avec d'autres, les conséquences
métaboliques
[SNVJussieu | Chevrier] pourraient être plus larges. Ainsi, des rats nourris aux OGM ont présenté divers symptômes (lésions rénales, augmentation du taux de sucre sanguin, etc.). Les multinationales qui ont elles-mêmes mené ces tests ont jugé ces effets «sans gravité», car «ne dépassant pas les limites statistiques normales». Greenpeace a toutefois dû se battre pour obtenir la publication des résultats, l'entreprise arguant du secret industriel. Autre risque possible, quoique considéré comme faible: certaines
bactéries
[Decoster | Futura-sciences | MédecineEtSanté] mises en contact avec des OGM, puis ingérées par le bétail ou l'homme, pourraient devenir résistantes à des traitements
antibiotiques
[123Bio | L'Agora | CRDP | TechnoScience | VulgarisMédical | BIAM].
Parce qu'elles exploitent ces arguments à outrance, les organisations anti-OGM sont accusées par les pro-OGM de diaboliser la question. Ces derniers se basent sur le fait que l'on trouve des plantes transgéniques sur le marché depuis plus de dix ans, qu'elles sont déjà cultivées par des millions d'agriculteurs, et qu'il n'existe pas un seul cas suggérant l'existence d'un nouveau risque généré par le génie génétique après l'ingestion de ces aliments par des millions de consommateurs, en premier lieu aux États-Unis. De plus, une étude de l'
OMS a conclu qu'aucun des aliments OGM commercialisés actuellement ne présente un danger pour la santé qui soit imputable spécifiquement à cette technique.
«Tous les aliments que nous consommons contiennent des
gènes. Dès lors, ce n'est pas le gène greffé lui-même qui va s'avérer dangereux, car nos organismes le «digèrent» comme les autres. Et lorsque c'est le produit codé par ce gène qui est en cause, comme dans le cas de la noix du Brésil, le problème est traçable, et donc évitable [Jean-Pierre Métraux].» [...]
Existe-t-il un danger pour la biodiversité?
Les risques varient en fonction du gène transféré, du lieu, de l'espèce cultivée, et des plantes voisines. Avec le blé ou le soja, le problème est mineur car ces végétaux sont
autogames
[CETIOM] (ils ne se fécondent qu'entre eux). Le maïs et le colza, par contre, peuvent féconder d'autres plantes. Selon Greenpeace, il est possible que se développent des «super-mauvaises herbes», résistantes à des
herbicides après avoir acquis, par fécondation, le gène d'un plant transgénique voisin. L'utilisation d'herbicides plus puissants sur des OGM désormais résistants pourrait aussi augmenter l'insensibilité des insectes à ces produits chimiques, voire mener à la disparition d'espèces «utiles», avec des conséquences en cascade sur les
écosystèmes. L'exemple le plus connu est celui du papillon monarque, menacé par le maïs transgénique Bt. Mais les recherches à sujet contenaient, semble-t-il, des vices de procédure. En Angleterre, selon le périodique Sciences & Avenir, des scientifiques ont étudié pendant quatre ans l'impact de culture OGM sur la
biodiversité
[ROC] végétale et sur les insectes. Cette étude (dite
Bright) n'a as permis de constater de différences dans la flore sauvage poussant entre les champs de colza et de betteraves transgéniques et les cultures traditionnelles. Les conclusions d'autres travaux (Fam Scale Evaluation) sont moins unilatérales. Elles montrent que le paramètre important ne serait pas le caractère transgénique ou non des cultures, mais la diversité des pratiques culturales (période et nombre d'épandages d'herbicide).
Dans tous les cas, avant la commercialisation d'un OGM, des essais en plein champ sont réalisés [...]. Ils permettent d'évaluer l'impact environnemental d'un OGM.
La coexistence entre cultures OGM et non-OGM est-elle possible?
La question est débattue. Plusieurs études, notamment aux États-Unis et en Allemagne, tendent à montrer que la présence d'une «zone tampon» de quelques dizaines de mètres entre surfaces de cultures OGM et non-OGM pourrait assurer à ces dernières de n'être quasiment pas contaminées (moins de 1%). Malgré des cas avérés de contamination, d'autres travaux ont conclu que le taux d'
hybridation d'une plante sauvage avec le pollen d'une plante OGM s'avère très faible, en dessous du seuil de 0,9% d'OGM admis dans la réglementation européenne. [Avec l'avènement des OGM de deuxième génération,] «Le transgène ne sera plus présent dans toutes les cellules, dont celles du pollen, mais seulement dans les
chloroplastes
[Chevrier | FuturaSciences], ces petits organites des plantes où se déroulent les réactions
photosynthétiques
[Carbonnière | Pensifs | SNVJussieu | USTBoniface]. Les problèmes liés à la dissémination seront donc éludés [Jean-Pierre Métraux].»
Est-il possible de revenir en arrière une fois qu'une culture d'OGM a été lancée dans un champ?
[...] «les transgènes qui s'échappent des plantes modifiées et contaminent d'autres plantes, sauvages ou cultivées, ne peuvent pas être remenés au laboratoire s'ils s'avèrent nocifs, et vont se multiplier avec l'organisme hôte de façon incontrôlable [Greenpeace].» Avec le risque que les variétés naturelles soient petit à petit éradiquées. Selon une récente étude américano-mexicaine, la dissémination d'OGM ne serait pourtant pas irréversible. En 2001, des OGM avaient été trouvés dans un champ de culture traditionnelle. Trois ans plus tard, 150 000 nouveaux échantillons ont été prélevés sur 125 champs de 18 sites. Aucun transgène n'a été trouvé dans le maïs ausculté. ■
Olivier Dessibourg


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