Dans la Chine ancienne, les villes étaient entourées de hautes murailles, percées de plusieurs portes [...]. Les Chinois accordaient aux portes une signification importante. Elles ne servaient pas seulement de points d'entrée et de sortie, on pensait que l'âme de la ville y résidait ou devait y résider. De même que, dans l'Europe du Moyen Âge, on considérait l'église avec la place qui l'entourait comme le cœur d'une ville. Aujourd'hui encore, il reste quelques-unes de ces magnifiques portes en Chine. [Pour les édifier, les Chinois] se rendaient sur un ancien champ de bataille avec une charrette, et ramassaient des ossements. La Chine a une longue histoire, il était facile de trouver d'anciens champs de bataille. Aux points d'entrée de la ville, on construisait d'immenses portes dans lesquelles on insérait ces ossements. Parce qu'on espérait, en rendant ainsi hommage à l'esprit des guerriers morts, obtenir d'eux qu'ils continuent à protéger la ville. Et ce n'était pas tout: une fois la porte construite, on amenait des chiens vivants, et on les égorgeait en aspergeant la porte de sang encore tiède. Les Chinois pensaient que ce rituel magique - mélanger du sang frais à des ossements desséchés - redonnait leur force aux âmes des guerriers d'autrefois.
(K. dixit)
Haruki Murakami, Les amants du Spoutnik, 1999, Belfond, 2003
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