Le Nouvel Observateur, 18 mars 2004
Il est bon de rappeler que le mal humain n'est pas une affaire de circonstances et qu'il ne peut être éliminé par une simple mesure politique ou administrative. Mais existe-t-il vraiment une volonté du mal? Les grands criminels de l'histoire ne projetaient pas d'instaurer le règne du mal. Lénine [Encausse | Hérodote | JeSuisMort | LénineCH | Memo] et Staline [Hérodote | JeSuisMort | Memo], Mao [Hérodote | JeSuisMort | Memo] et Pol Pot [ULaval] se pensaient en bienfaiteurs de l'humanité. Ils voulaient imposer le bien, dont ils croyaient connaître la recette; pour un objectif aussi noble, ils n'hésitaient pas à massacrer des millions d'individus. Même Hitler [Hérodote | JeSuisMort | Memo], à sa façon, se prenait pour une incarnation du bien. Que reprochons-nous à ces personnages sinistres? Non de mépriser l'idée du bien mais, d'abord, de partir d'une image fausse de l'homme et de la société; ensuite, de vouloir imposer leur idéal par la force, donc par l'extermination des ennemis. Du coup, les méfaits des moyens employés l'emportent, et de loin, sur les bienfaits supposés des fins poursuivies. ■ Propos de Tzvetan Todorov [BiblioMonde], historien et philosophe, recueillis par François Armanet
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