24 heures, 5 janvier 2006
Mme Micheline Calmy-Rey, conseillère fédérale, a demandé que le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies s'appelle «Conseil des droits humains». Pourquoi? Parce que, a-t-elle dit, l'homme n'est pas forcément la femme! Ce raisonnement d'école enfantine s'appuie sur ce diagnostic foireux: «De toutes les langues des Nations Unies, la langue française est la seule où la terminologie courante porte à controverse au plan sexo-scientifique.» En voilà un jargon!
Une conseillère fédérale devrait se souvenir que les germanophones emploient le mot composé Menschenrechte (et non pas un ridicule menschliche Rechte); et que les italophones disent: I diritti dell'Uomo (et non I diritti humani).
Le mot Mensch présente, certes, l'avantage d'être absolument neutre: l'être humain. Cependant, il s'agit chaque fois d'un complément du nom, et surtout pas d'un adjectif qualificatif. Comme l'explique judicieusement un correspondant de la Défense du français, on ne songe pas à rebaptiser la Déclaration des droits de l'enfant - proclamée en 1959 - Déclaration des droits enfantins. Du coup, la faute apparaît dans son évidence: l'adjectif exprime un caractère acquis, non pas un privilège à défendre.
Ce n'est pas à la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen [Wikisource], fruit de l'époque des Lumières, manifeste immortel que votèrent les constituants de 1789, que Mme Calmy-Rey se réfère, mais à la Déclaration de 1948 [UNESCO], adoptée par les Nations Unies. Et puis, en anglais, on dit Human Rights.
On doit l'admettre, beaucoup d'Européens se conforment au «mondialement correct». On va leur donner, d'ailleurs, une fausse joie. Lorsque, à l'automne 1774, Denis Diderot [L'Agora], le principal auteur de l' Encyclopédie, fut reçu par Catherine II [Herodote | Memo] à Saint-Pétersbourg, il écrivit de l'impératrice: «C'est un homme. Et un très grand homme.» Pourtant, on se tromperait de façon grave en croyant qu'à ses yeux, la grandeur fût l'apanage du mâle. Cette souveraine réunissait, disait-il encore, «l'âme d'une Romaine et les séductions de Cléopâtre». Or, il rêvait qu'elle pût s'asseoir sur le trône de France, et réformer la société. Car le XVIIIe siècle honorait la femme.
La Déclaration des droits de l'homme inclut donc le genre humain tout entier, et l'initiative d'abandonner sa formulation n'est vraiment qu'étourderie et maladresse, bref: impertinence. ■ D'après Jean-Marie Vodoz
Commentaires