Le Nouvel Observateur, 18 mars 2004
Aujourd'hui, l'imposition du bien est une raison suffisante pour faire la guerre aux autres. Si ce principe devait se confirmer, il serait source de conflits permanents.
Péguy
[L'Agora], lucide à cet égard disait: «Il y a dans la "Déclaration des droits de l'homme" de quoi faire la guerre à tout le monde pendant la durée de tout le monde.» Une perspective plutôt inquiétante, n'est-ce pas? C'est la première raison pour laquelle je suis réticent devant une «politique des droits de l'homme». La seconde est que le droit, pour s'imposer, a besoin de la force. Mais où est la force? Elle n'appartient pas à l'ONU - et heureusement nous ne voulons pas vivre sous les ordres d'un gouvernement mondial. Elle appartient, bien sûr, aux États - ainsi, aujourd'hui, aux États-Unis. Or ces États peuvent décider unilatéralement de la nature du bien - donc rien n'arrêtera leur intervention.
Le droit d'ingérence est un concept dangereux qui peut être utilisé pour justifier n'importe quelle agression, comme l'était celui de «civilisation» du temps des guerres coloniales. ■ D'après Tzvetan Todorov, directeur de recherche au CNRS, historien, philosophe
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