Le Nouvel Observateur, 21 novembre 2002
[...] l'influence de la télévision sur les enfants et les adolescents n'est plus à démontrer [CPCP | CNIVF | Zonalatina]. [Un] rapport insiste à juste titre sur l'affaiblissement des interdits concernant le meurtre, le viol, l'inceste, la violence en général qu'elle induit par l'impitoyable multiplication de comportements de ce genre, avec des connotations qui sont loin d'être négatives. [...] la tolérance et l'accoutumance à une violence débridée, sans repères, est incompatible avec le pacte démocratique: celui-ci suppose en effet que la violence n'est légitime que lorsqu'elle émane de la force publique et non des conduites individuelles. Il serait fâcheux qu'un certain romantisme de l'illégalité [détourne] de cette considération essentielle. [...]
La «catharsis»
La violence télévisuelle ne serait qu'une violence imagée, imaginaire, dont les effets seraient positifs. Elle permettrait d'évacuer sous une forme symbolique le besoin de violence qui est en nous. Argument fallacieux. Pourquoi la représentation de la violence aurait-elle des effets curatifs quand celle du racisme aurait des effets incitatifs? À ce compte, il faudrait diffuser chaque semaine sur le petit écran «le Juif Süss» et autres films de propagande nazie pour mieux lutter contre l'antisémitisme...
L'esquive
Argument: certes, la télévision est violente. Mais c'est que la société l'est aussi! Argument fallacieux. Le monde a toujours été violent et il faudra trouver d'autres raisons pour expliquer la montée de la violence dans la représentation du monde. Ajoutons qu'il y a une différence essentielle entre la violence réelle, qui est plutôt traumatisante et dissuasive, et la violence complaisante de la fiction, qui est souvent séduisante et incitative. [...] sauf chez une poignée de pervers, le spectacle des massacres du Rwanda [ne suscite pas] chez nos bambins des vocations de génocideurs à machette. Alors que Rambo, et Hannibal et l'«Arme fatale»... ■
Jacques Julliard
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