Le Nouvel Observateur, 3 octobre 2002
Par une ruse de l'histoire, l'islam, censé haïr la globalisation, serait non seulement transformé par elle, mais de plus en plus occidentalisé. [...] Des millions de musulmans ont choisi de s'installer en Occident, où ils sont obligés de reconstruire une identité qui les met en rupture avec la culture de leur société d'origine. Signe de l'occidentalisation: l'adhésion à la religion est le fruit d'un choix libre et individuel, sans référence à la «terre d'islam». La réislamisation qui l'accompagne se traduit par un néofondamentalisme, sorte de code de comportement moral, parfaitement compatible avec la mondialisation libérale, comme le sont les mouvements fondamentalistes chrétiens ou juifs. Issus des dérives radicales de cette forme d'islam, les hommes d'Al-Quaida sont pour la plupart des émigrés qui se sont réislamisés en Occident, loin de leur pays, de leur famille et de leurs racines culturelles. Leur militantisme se déploie dans un espace global, sans comparaison, par exemple avec l'islamisme iranien, qui s'est soumis à la primauté du politique et de l'intérêt national. Cette séparation entre la religion et la culture traditionnelle devrait ébranler les thèses culturalistes, qui voient dans l'ensemble des musulmans du monde une sorte d'ethnie religieuse. [...] cette religion musulmane, occidentalisée et dépourvue de références territoriales, n'a pas de stratégie étatique et [...] il n'y a donc pas de «géostratégie de l'islam», pas plus qu'il ne peut y avoir de «guerre de civilisation» avec une religion qui évolue désormais en dehors des cultures nationales et des États. ■ François Schlosser, à propos du livre d'Olivier Roy, L'islam occidentalisé, Seuil, 2002
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