Quiconque a trempé dans le journalisme ou y trempe encore est dans la nécessité cruelle de saluer les hommes qu'il méprise, de sourire à son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fétides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s'habitue à voir faire le mal; on commence par l'approuver, on finit par le commettre. À la longue l'âme, sans cesse maculée par de honteuses et continuelles transactions, s'amoindrit, le ressort des pensées nobles se rouille, les gonds de la banalité s'usent et tournent d'eux-mêmes [...]. Tel qui voulait s'enorgueillir de ses pages se dépense en de tristes articles que sa conscience lui signale tôt ou tard comme autant de mauvaises actions. On était venu [...] pour être un grand écrivain, on se retrouve un impuissant folliculaire.
Honoré de Balzac [ADPF | ALaLettre], Splendeurs et misères des courtisanes
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