- Pourquoi?
- Parce que l'histoire n'est pas le passé. L'histoire a déjà eu lieu, mais le passé est en train de se produire. Si cette table n'avait pas été faite un jour par un menuisier, elle ne serait pas ici aujourd'hui. Si les Grecs ou les Romains n'avaient pas existé, ni toi ni moi ne serions là, ou nous n'y serions pas de la même façon. Et si je n'étais pas né il y a soixante-sept ans, tu n'en aurais pas quinze aujourd'hui et tu ne serais pas cette si jolie jeunette que tu es. Ne l'oublie jamais: tu es parce que d'autres ont été.
- Tu n'es pas le passé, grand-père.
- Bien sûr que si, et tes parents aussi... Toi-même, tu es ton propre passé, Elisa. Ce que je veux te dire, c'est que le passé constitue notre présent. Ce n'est pas une simple "histoire": c'est une chose qui arrive, qui est en train d'arriver. Nous ne pouvons pas le voir, ni le sentir, ni le modifier, mais il nous accompagne toujours, comme un fantôme. Et il décide de nos vies, et peut-être de nos morts. [...]
(Le grand-père d'Elisa dixit)
José Carlos Somoza, La Théorie des cordes, 2006, Actes Sud, 2007
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