Domaine public, 19 avril 2002
Tous les étudiants en économie ont rebâché cette définition de l' homo economicus [Cohen | Melchior]: un être égoïste qui agit de manière rationelle afin de maximiser son avantage. Et le dynamisme économique résulte en fin de compte de la somme de tous ces égoïsmes.
Une nouvelle branche de la science économique, l' économie comportementale [LeMoigne | Transfert | Villemin | Zin], remet en cause cette définition fondatrice de la discipline. En s'appuyant sur les résultats de nombreuses expériences de laboratoire, elle met en évidence la complexité des facteurs qui déterminennt le comportement humain en matière économique: sont en jeu non seulement des informations qui permettraient une décision rationnelle mais aussi des émotions telles que la fierté, la colère, la compassion, le repentir et même la générosité. On est loin du froid calcul en vue d'un profit immédiat.
Le jeu de l'ultimatum [Econoclaste] [Wikipédia] montre à l'évidence les limites de la conception rationnelle de l'homo economicus. Soit deux individus A et B. A reçoit 100 francs qu'il doit partager avec B. Si B accepte l'offre de A, chacun encaisse sa part. Si B accepte l'offre de A, chacun encaisse sa part. Si B refuse, parce qu'il estime l'offre insuffisante, la somme échappe à tous deux. Le choix rationnel voudrait que A n'offre qu'un franc et garde 99 francs et que B accepte cette somme minime. Or en réalité, les offres inférieures à 30 ou 40 francs sont en général refusées. On rétorquera que la modestie de la somme en jeu ne permet pas de tirer des conclusions générales. Détrompez-vous: le test appliqué dans le tiers-monde - la somme peut représenter jsuqu'à trois mois de salaire - donne les mêmes résultats.
Dans une autre expérience, les participants manifestent une volonté de coopération - le contraire donc d'une attitude égoïste - pour autant qu'ils puissent compter sur la réciprocité. Cette volonté de coopération est telle que les participants de bonne volonté sont prêts à punir les récalcitrants pour qu'ils reviennent à de meilleurs sentiments, même si cette punition représente pour les altruistes une perte matérielle.
Le sens commun subodorait que le postulat égoïste de la théorie économique était par trop réducteur. Les résultats livrés par l'économie comportementale devraient bientôt reléguer ce postulat aux rayons de l'histoire des idées. ■ JD
La théorie des jeux permet de formaliser trois cas de figures possibles en matière de conflit et de coopération entre deux acteurs: conflit pur, coopération pure (ce qui revient au jeu d'un seul acteur) et situation mixte. Le pur conflit donne lieu à des jeux à somme nulle à information complète (jeu) ou incomplète (la guerre, par exemple). Des modèles ont montré que la coopération peut exister entre des intérêts égoïstes, parce que les joueurs peuvent être amenés à se rencontrer de nouveau, mais aussi en raison de facteurs de conformité au comportement d'autrui, souvent préférée à la pure stratégie
Source: CNRS
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