Le Matin Dimanche, 26 août 2007
[La saga étymologique du mot paradis] commence avec les Perses, il y a 3000 ans environ. Chez les Perses, il y a des nobles, qui agrémentent leurs propriétés privées de splendides parcs clôturés, des pardêz. Ne rentre pas qui veut dans un pardêz, c'est un honneur que d'y être invité.
Les Perses ont eu de nombreux contacts (amicaux et conflictuels) avec les Grecs, qui ont dû être suffisamment impressionnés par les pardêz pour emprunter le mot et l'hélléniser en paradeisos.
Quand, vers le IVe siècle avant notre ère, des savants juifs décident de traduire la Torah en grec (langue qui remplit à cette époque le même rôle que l'anglo-américain aujourd'hui), c'est le paradeisos qui leur vient à l'esprit pour parler de cet enclos merveilleux qu'est le jardin d'Eden.
Dans l'histoire du christianisme, le latin succède au grec pour la diffusion tous azimuts de cette religion, et, nouvel emprunt, paradeisos devient paradisus. Rebelote vers l'an mille en ce qui concerne le français: paradisus passe la rampe du latin et devient paradis.
Parallèlement à son histoire biblique, où la forme du mot se conserve dans les emprunts successifs (grâce à l'écrit), paradeisos a aussi une histoire orale.
Dans l'Italie du Sud, à l'époque antique, de nombreuses colonies grecques côtoient la population latine de l'endroit. Il faut savoir qu'en grec, /d/ sonne un peu comme le /th/ anglais dans they. Ce son n'existe pas en latin, et on peut faire l'hypothèse que les locuteurs d'alors interprètent le mot en fonction de la prononciation de leur langue.
Ils transforment paratheisos en quelque chose comme paraveis, puis parvis.
Parvis et paradis ont donc une origine commune, et le sens de «place devant l'église» est apparu en Italie du Sud. ■ Marinette Matthey, sociolinguiste
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