Le Nouvel Observateur, 18 octobre 2007
En nous infantilisant, le capitalisme «consumériste» met en danger la démocratie et aggrave les risques d'une confrontation avec les forces qui s'opposent à la mondialisation. [...]
[…] le capitalisme [Toupie] moderne, le capitalisme «consumériste» [Aquadesign | Wikipedia], tourne le dos à ce qui a fait sa grandeur et son efficacité: un capitalisme «productiviste» [Zin] produisant des biens et des services utiles, engendrant un profit légitime, réinvesti ensuite dans la production de biens nécessaires à la collectivité. Aujourd'hui, pour survivre, le capitalisme transforme les consommateurs en acheteurs compulsifs et développe un ethos [Bourdieu] de l'infantilisation qui valorise précisément ce que l' éthique protestante décrite par Max Weber [Wikipédia | Memo | Reynier] condamnait.
[L’«infantilisation», c’est] une métaphore désignant l'abêtissement à la fois de ce qui se vend et de ce qui s'achète dans l'économie postmoderne [Psythere], laquelle produit manifestement plus que nécessaire. L'infantilisation, c'est cette tendance de fond, caricaturale aux États-Unis, privilégiant le simple par rapport au complexe, l'immédiat par rapport à ce qui est lent, le facile par rapport au difficile. En donnant tout pouvoir aux enfants, le marché les corrompt; mais il infantilise aussi les adultes et finalement éclipse le citoyen au profit du consommateur.
[…] le marché est partout et […] il crée ses propres formes de renforcement (c'est […] l'«addictivité»); […] nous vivons l'invasion des marques; leur objectif premier est moins de vendre le produit que de créer une fascination pour son «univers» émotionnel et amener le consommateur à l'intérioriser.
[C’est] une espèce de schizophrénie civique qui, aux Ėtats-Unis, rend les gens vulnérables à l'intégrisme religieux et les détourne de leur devoir d'électeur. Face à cette domination de l'hyperconsumérisme, les contre-cultures ont du mal à faire entendre leur voix.
[Précédemment,] la mondialisation et la culture occidentale, mélange d'efficacité et d'excellence dans la production de masse - non seulement cohabitait, mais produisait la «djihad», une façon de désigner l'ensemble des réactions identitaires ou fanatiques provoquées par les excès de la mondialisation et les soubresauts du marché mondial. Le système économique actuel, qui ignore les besoins des pays pauvres et développe notre hystérie consommatrice, renforce cette dérive. Et le risque de confrontation. ■ Propos de Benjamin Barber recueillis par Jean-Gabriel Fredet
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