Le Temps, 2 novembre 2007En guise de pierre tombale, un arbre. Au lieu d’un cercueil verni, un linceul en laine ou un éco-cercueil en bambou. Les bio-cimetières sont devenus l’un des business écologistes les plus florissants de Grande-Bretagne: il en naît 40 par an. En avril, un salon des funérailles vertes à Londres a même décliné toutes les solutions pour mourir sans martyriser notre planète. Et si le Royaume-Uni est pionnier en la matière
[20min |
Resomation], ce n’est de loin pas le seul pays à s’intéresser aux obsèques alternatives [
Wikipedia | Groovygreen].
Les arguments ne manquent pas. Enseveli ou incinéré [CDRNFXB | FranceObsèques], l’humain pollue même après son dernier souffle. Des milliers d’arbres sont abattus pour fabriquer les cercueils. Qui sont ensuite arrosés de laque, pleine d’
oxydes. Quant au corps lui-même, son
embaumement
[CDRNFXB | INRS | Resonance] est qualifié de «grotesque» par
Julia Hailes, auteure de ce qui est communément admis comme la bible du consommateur vert,
The new green consumer guide
[Wikipedia]. L’écologiste britannique explique: pour que le mort ait l’air plus pimpant, on ajoute à son sang des substances toxiques. Sans compter le jus d’
autolyse, ce liquide qui émane du corps en décomposition et se répand dans la terre. Et sans oublier non plus les éventuels résidus d’une chimiothérapie.
Côté crémation
[Ekopedia |
BBC], la pollution est évidente: les cheminées des incinérateurs dégagent du
dioxyde de carbone
[Ekopedia], et toutes sortes d’acides (
fluorhydrique
[UniRennes] et
chlorhydrique notamment). Les crémations seraient ainsi responsables de 11% de la pollution de la mer du Nord. Les écologistes britanniques ont fait les comptes: 437 000 incinérations par an dans leur pays, ce sont autant de cercueils en bois qui partent inutilement en fumée dans l’atmosphère.
Autorités, scientifiques et écologistes tentent donc de réinventer des funérailles qui préservent l’environnement. La législation s’en est d’abord mêlée. En France, en Allemagne et en Australie par exemple, il est désormais interdit de jeter les cendres du défunt dans les rivières.
Et puis les scientifiques ont élaboré l’urne bio. Comme celle utilisée pour le gorille albinos Copito de Nieve (Flocon de neige)
[Kevego]. En 2003, les cendres de la mascotte du zoo de Barcelone ont été déposées dans une urne exclusivement faite de matériaux biodégradables: écorces de noix de coco et cellulose. À l’intérieur, de la tourbe et une graine d’arbre africain. Une fois enterrée, l’urne s’est dissoute et son contenu a contribué à faire pousser l’arbre, qui fait office de plaque commémorative.
Le célébrissime gorille a montré l’exemple: les écologistes tentent de remplacer les cimetières par des forêts. Du Royaume-Uni aux Pays-Bas, en passant par les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et la Suède, ces lieux de funérailles d’un nouveau genre prospèrent. En Angleterre, près de 250 bio-cimetières ont emboîté le pas au
Natural Death Centre ouvert à Londres en 1993. Pour son directeur, Mike Jarvis, «rien ne distingue ces forêts des autres forêts. Si l’enterrement est récent, on voit que la terre a été remuée. Mais très vite, on peut se promener sur ces aires naturelles, pique-niquer, profiter de la nature tout en communiant avec le défunt. Cela évite de monopoliser l’espace pour en faire des cimetières qui sont, en plus, souvent mal entretenus.» L’anthropologue Billy Campbell, fondateur de
Memorial Ecosystems en Caroline du Sud, a chiffré le gain d’espace: un mort pour 4 m 2 contre 100 m 2 pour des obsèques traditionnelles.
Comment dès lors se recueillir au pied de «la tombe» du mort, si rien ne distingue un arbre d’un autre? «Le cadastre enregistre les lieux exacts où a eu lieu l’ensevelissement. Certains utilisent un GPS. D’autres se contentent de se balader sur la zone donnée sans éprouver le besoin d’être à l’endroit exact où le défunt est enterré», explique Mike Jarvis.
Aux Pays-Bas, Teo Veenstra, du (Ned) Natuurlijk Dood Centrum, bio-cimetière créé en 2004, trouve que «ces arbres sont un monument vivant autrement plus intéressant qu’une pierre tombale morne et statique. Les obsèques traditionnelles sont un réel problème car à la fin de notre vie, nous sommes un conteneur de produits chimiques.» Le cérémonial peut aller beaucoup plus loin: «Beaucoup convoient le défunt en calèche, pour être cohérents jusqu’au bout. Certains choisissent d’être nus, car les habits synthétiques du défunt sont une autre source de pollution.»
En Suède, la biologiste Susanne Wiigh-Mäsak [CourrierInter] a élaboré une autre solution: recycler le corps humain. Plongé dans du nitrogène à -18°C, le corps devient cassant. Il est ensuite mécaniquement secoué, réduit en poudre, puis enfermé dans un cercueil en fécule de maïs qui nourrira la terre. Les 80 000 habitants de Jököping, dixième ville du pays, soutenus par l’Église protestante, seraient en passe d’adopter cette nouvelle manière.
Mais le must de la mort bio est espagnol. Il a été développé par Biointegral, un laboratoire subventionné par les gouvernements français et espagnol. «Bioenzimex-DCH»
[Biointegral] est un nom barbare pour un produit qui ne l’est pas moins. «C’est un sachet contenant des bactéries, que l’on glisse dans le cercueil. Celles-ci mangent toute la matière organique en quatre à cinq mois, et ne laissent que les os», explique Jose Huertes, directeur de Biointegral. Le sachet vaut environ 13 euros. Il s’en vend pour 3 millions d’euros par an dans plusieurs pays du monde. Il est obligatoire depuis peu à Madrid et à Barcelone. […] ■ Marion Moussadek
TéléObs, 17 novembre 2007
Flocon de Neige
Il a tout donné à la science et aux hommes. Il a aimé les siens et
protégé ses descendants. Il était unique au monde parce qu'il était
albinos. Le gorille blanc de Barcelone s'est éteint en 2003 des suites
d'un cancer de la peau sous le feu du soleil catalan, dans une fosse de
béton du zoo de la ville.
Bébé orphelin recueilli en Guinée équatoriale, Flocon de Neige était d'une immense gentillesse et d'une formidable adaptabilité. Il forçait l'admiration de tous, scientifiques, touristes, et contribua, avec Dian Fossey, à faire évoluer le regard des hommes sur les gorilles. De l'avis de scientifiques, les gorilles sauvages auront disparu de la planète à la fin du siècle. ■ D'après Geneviève Meunier, à l'occasion de la diffusion de "Un gorille blanc au cœur tendre", documentaire de télévision, diffusé sur la chaîne France 5
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