Agence France-Presse, 28 novembre 2007
Vers 2060, la plupart des records tous sports confondus seront figés, à conditions de pratique égales, selon une étude de l'Institut français de recherche biomédicale et d'épidémiologie du sport (IRMES) et menée sur 3260 records du monde établis depuis 1896.
Spectaculaire symbole de ce travail, le 100 m a pris beaucoup d'avance, du moins chez les femmes. Jean-François Toussaint, directeur de l'IRMES, l'affirme: les 10’’49 de Florence Griffith-Joyner - une performance plus que suspecte, réalisée lors du 100 m des JO de Séoul 1988 - sont à jamais inaccessibles et représentent «une impasse épidémiologique.»
Depuis dix ans, la moyenne des chronos des dix meilleures mondiales est même moins bonne, preuve que «les comportements ont changé chez les femmes, sous l'effet conjugué de la lutte antidopage et des limites physiologiques» de l'espèce humaine, selon le Dr Toussaint. Son équipe a analysé l'évolution des courbes depuis les premiers jeux Olympiques modernes, en 1896, dans les disciplines olympiques à record - athlétisme, natation, cyclisme, haltérophilie, patinage de vitesse.
Pour toutes, la conclusion est identique: si l'on excepte l'influence modératrice évidente des deux guerres mondiales sur l'évolution des performances, et en dépit des progrès technologiques (techniques de chronométrage, matériel, tenues vestimentaires, méthodes d'entraînement, etc.), le nombre des records du monde a commencé sensiblement à diminuer à la fin des années 60. «Ce n'est pas dû aux conditions de vie. On peut donc estimer qu'on est au bout de la logique physiologique, biologique, de l'espèce humaine. Ce ralentissement progressif est le début de la fin», explique Jean-François Toussaint.
Mais tous les records du monde n'ont pas la même destinée. À l'inverse des femmes, les hommes peuvent encore faire évoluer celui du 100 m, dans des limites toutefois raisonnables. «Personne n'a tué le 100 m masculin», dit Toussaint, qui estime toutefois biologiquement «impossible» qu'un sprinter courre un jour en 9 secondes. Idem pour le 400 m nage libre de Laure Manaudou, qui ne progressera «que de quelques 100e».
«En 2060, dit-il, si les conditions ne varient pas sensiblement, on aura atteint une asymptote (valeur plancher) et établi la plupart des records du monde au 2000e de leur valeur. On pourra alors toujours changer d'unité et mesurer un 100 m au 1000e de seconde, un marathon au 100e, ou encore progresser par grammes en haltérophilie... Et attendre 50 ans pour battre le record.»
Parfois, la logique mathématique s'oppose aux faits. En utilisant le modèle statistique employé pour l'étude, «le record du saut en hauteur masculin (2,45 m en 1993) devrait progresser jusqu'à 2,55 ou 2,60. Or depuis 1980, la moyenne du groupe a tendance à régresser. Pour battre le record, il faudrait qu'un sauteur s'extraie d'un groupe qui régresse.» Comme Griffith-Joyner en son temps.
Les disciplines d'avenir sont de moins en moins nombreuses. La mieux lotie reste la perche féminine qui bénéficie clairement de sa jeunesse. Son asymptote se situe à 5,50 m pour un record actuel à 5,01, soit encore 10% de gain - contre 3% de progression moyenne prévisible pour les autres disciplines.
En natation par exemple, les records des 400 m 4 nages et 100 m papillon semblent devoir progresser de manière notable quand le 1500 m stagne depuis trente ans. «Il reste une cinquantaine d'années pour établir la plupart des records. Cela pose une question de fond, pointe Toussaint: Comment envisage-t-on l'avenir de sports qui continuent à vivre de l'amélioration des records. Comment, conscient de cela, développe-t-on une nouvelle politique sportive?» ■ D'après Françoise Chaptal
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