rsf.org, 13 février 2008
Les journalistes ont du souci à se faire. Leurs défenseurs paraissent moins efficaces que jamais. [...] les journalistes ne sont pas correctement et suffisamment défendus dans le monde. Les États les plus répressifs de la planète n'ont que faire de la liberté d'expression et de ses apôtres. Les organisations non gouvernementales sont interdites d'entrée ou boutées hors des frontières des pays dans lesquels elles seraient pourtant les plus utiles. Les grandes institutions internationales peuvent protester, menacer de sanctions, monter aux tribunes les plus prestigieuses pour condamner, rien n'y fait. Les prédateurs de la liberté de la presse font la sourde oreille. Notre impuissance est leur force.
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Combien de résolutions, de déclarations, de lettres de protestation restent sans effet? Faut-il, pour autant, cesser d'en écrire, d'en voter? Non, bien sûr. Mais de nouveaux moyens de pression, de nouvelles méthodes d'intervention restent à inventer pour déstabiliser les ennemis de la liberté de la presse, découvrir leurs failles et s'y engouffrer.
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La couardise de certains États occidentaux, de grandes institutions internationales, nuit à la liberté d'expression. Si aucun ne rechigne à hausser le ton face à des pays en voie de développement, peu stratégiques, la donne est différente lorsque les interlocuteurs se nomment Vladimir Poutine ou Hu Jintao. Les chefs d'État rangent alors leur robe d'avocat pour se transformer en représentants de commerce. [...]
Et puis, les dirigeants des pays démocratiques n'ont pas envie de se mettre à dos les grandes entreprises, pour qui le temps passé sur ces questions ne fait que retarder la signature de nouveaux contrats. [...]
La «realpolitik» fait le jeu des oppresseurs. [...]
Enfin, la duplicité de certains «défenseurs officiels» des droits de l'homme cause un grand tort aux victimes. À ce jeu-là, les Nations unies [1] remportent la palme. Haut la main. Pendant que, à New York, le
Conseil de sécurité [2] adopte une résolution énergique pour tenter de juguler la litanie macabre des violences commises envers les journalistes, à Genève, le
Conseil des droits de l'homme [3] fait preuve de la même énergie pour affranchir de toute condamnation les responsables de ces violences. [...]
Le manque de détermination des États démocratiques à défendre les valeurs qu'ils sont censés incarner est inquiétant. Le renoncement ou la duplicité de ceux qui prétendent protéger nos libertés le sont plus encore. Les journalistes subissent toujours plus de violences – 86 journalistes tués en 2007 – et de mesures de répression coercitives – plus de deux journalistes arrêtés chaque jour en 2007.
Les organisations non gouvernementales doivent désormais convaincre l'ensemble des États de changer d'attitude. Il faut maintenir la pression sur les régimes autoritaires pour qu'ils cessent de bafouer en toute impunité les libertés de leurs citoyens. Mais il faut aussi – et de plus en plus – bousculer les États démocratiques et les grandes institutions internationales afin qu'ils défendent ces libertés partout dans le monde. Trouver des défenseurs de la liberté d'expression plus convaincus de leurs responsabilités, donc plus efficaces, est la nouvelle tâche qui nous incombe. ■ Robert Ménard, Secrétaire général de
Reporters sans frontières [4], in:
Rapport annuel 2008,
Préface
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