Le Matin Dimanche, 12 août 2007
Alors que la ville de
Thèbes [1], dans la Grèce antique, est ravagée par la peste, le roi
Œdipe convoque
Tiresias [2], le
devin. «Le fléau cessera quand l'assassin de
Laïos, l'ancien maître de la cité, aura été retrouvé», révèle l'oracle. Œdipe ordonne aussitôt l'ouverture d'une enquête. Il va découvrir que l'assassin n'est autre que lui-même. Sans le savoir, il a tué Laïos, dont il ignorait qu'il fut son vrai père.
C'est donc vers l'an 430 avant J.-C., avec
Œdipe roi, la tragédie de
Sophocle, que l'ont peut dater la naissance du
polar.
Sigmund Freud ne s'y est pas trompé, en y puisant l'idée de son fameux complexe: nous sommes tous des Œdipe, assassins en puissance prêts à tuer pour satisfaire nos désirs. Pourtant, nous l'ignorons, cette partie se joue dans cette zone d'ombre qui nous habite, notre inconscient. Raison pour laquelle, en lisant un polar, nous sommes à la fois dans la peau de l'enquêteur, curieux et désireux de résoudre le mystère, tout en éprouvant une fascination certaine pour le criminel.
«La lecture d'un polar représente un décrochage avec la réalité, une rupture marginale dans un monde très normatif. Cette lecture nous place dans un face-à-face avec des thèmes tabous dans notre société et pourtant essentiels: le sexe, l'argent, la mort. Ces criminels de papier mettent en acte des désirs que la vie en société nous interdit. La société nous demande de tolérer la frustration, eux veulent tout, tout de suite. Comme des enfants qui n'auraient pas grandi. Tout comme les fous nous en apprennent beaucoup sur les gens dits normaux, la face sombre des héros de polars nous renseigne sur la nôtre. La littérature policière restitue quelque chose de déviant qui est en chacun de nous. (
Jean-Pierre Gattégno, auteur de divers polars psys - «Neutralité malveillante», «Mortel transfert» notamment)» ■ Violaine Gelly et Isabelle Taubes
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