D'après le Courrier international, 6 mars 2008
Helí Mejía ou «Martín Sombra» (L’Ombre) a passé plus de trente-cinq ans chez les
FARC. Il a réchappé à plus de quarante opérations de grande envergure dirigées contre lui. Mais, le 25 février, la chance a tourné: il a été capturé par la police dans le petit village de Saboyá (département de Boyacá). Pendant de nombreuses années, «Sombra» a été mandaté par le Secrétariat - l’instance dirigeante de la guérilla - pour une des missions les plus importantes, à savoir s’occuper des principaux otages politiques, ce qui en dit long sur son degré de proximité avec l’état-major des FARC. C’est lui qui, pendant des années, a eu sous sa responsabilité Ingrid Betancourt et Clara Rojas, qu’il a aidée à accoucher du petit Emmanuel. Son témoignage à l’hebdomadaire libéral colombien
«Semana» fait froid dans le dos.
«L’otage [Clara Rojas] allait mourir, parce que le petit n’arrivait pas à sortir, explique-t-il. J’avais quelques connaissances paramédicales, et la seule solution, c’était de pratiquer une césarienne. On a cherché un livre, on a regardé comment il fallait faire, et j’ai dit à «Guillermo», un des guérilleros présents dans le camp: «On va lui ouvrir le ventre.» Nous l’avons endormie à la xylocaïne. On a incisé au bistouri, comme on a pu. Mais le bébé avait une très grosse tête, et c’était un vrai problème… Il était en train de mourir et, avec «Guillermo», on l’a extrait tant bien que mal. Mais il s’étouffait, car il avait du liquide amniotique dans le nez. On lui a aspiré ses glaires, on a fait comme avec un veau qui vient de naître, en lui suçant le nez et en soufflant dedans. Quand on a eu extirpé le mouflet, on s’est aperçu qu’il avait une lésion au bras.»
Quelques jours après sa naissance, le petit Emmanuel a été emmené dans une des interminables marches auxquelles étaient soumis les otages à travers les cordillères accidentées du pays. «L’offensive de l’armée avait commencé, mais l’enfant pleurait et ç'a été un problème. Nous avions l’armée derrière nous et devant nous. Un enfant, ça s’entend de loin. Tout le monde était très inquiet, et j’ai dû prendre des mesures de sécurité. En plus, on avait des otages malades – notamment Ingrid, qu’on a dû transporter en hamac. Elle avait très mal au ventre. Pendant le trajet, on s’est retrouvés face à une patrouille de l’armée, ils étaient à environ 200 mètres de nous.» ■
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