Le Courrier, 14 mai 2008
La Suisse s'enrichit, mais tous les habitants du pays n'en profitent pas. D'un côté, les recettes fiscales de la Confédération sont en [progression] constante – +32% pour le premier trimestre 2008 – et démontrent la bonne tenue de l'économie. De l'autre, le nombre de bénéficiaires de l'aide sociale s'inscrit également à la hausse pour la troisième année consécutive, comme le révèlent les chiffres 2006 publiés [depuis 2004 par l' Office fédéral de la statistique].
Ces trois ans révèlent [un accroissement du nombre de] citoyens devant recourir à l'aide publique. En 2004, quelque 218 000 personnes y étaient inscrites, pour 237 500 en 2005 et 245 000 en 2006. Sur trois ans, leur nombre a cru de 27 000 individus, soit une [augmentation] de 12,5%. La forte croissance économique et financière enregistrée durant ces mêmes années ne suffit manifestement pas à résorber la pauvreté.
Cette constatation est confirmée par l'étude des motifs de sortie de l'assistance. Un tiers seulement des personnes âgées de 26 à 55 ans quittent l'aide sociale suite à une (re)prise d'emploi améliorant leur situation économique personnelle. Un quart des assistés de cette tranche d'âge échappent à l'aide publique pour dépendre ensuite d'une assurance sociale. En outre, 20% des dossiers sont fermés pour cause de déménagement, ce qui ne fait que déplacer le problème de la précarité.
Pour la tranche d'âge des 56 à 64 ans, le recours à l'aide publique en 2006 a davantage augmenté que la moyenne, révélant un accroissement du risque de précarité pour eux. Plusieurs réductions des prestations des assurances sociales contre le chômage ou l'invalidité ont en effet particulièrement touché ce groupe. Au fil des révisions législatives, la perte de droits a relégué de plus en plus de monde de ces âges à l'assistance. Dans cette catégorie, seuls 20% retrouvent une autonomie financière leur permettant de quitter l'assistance avec un revenu suffisant et 50% glissent à l' invalidité ou à l' AVS. Au passage, cette réalité des travailleurs âgés éclaire d'un jour singulier l'idée de repousser la limite du départ à la retraite.
Seule la durée d'octroi des prestations sociales autorise quelques espoirs. Pour une moitié des bénéficiaires, l'aide sociale intervient durant moins d'une année, sous forme de coup de pouce pour traverser une mauvaise passe momentanée. Mieux, les séjours à l'aide sociale plus long connaissent une modeste régression. Reste tout de même qu'un tiers des 245 000 personnes relevant de l'aide sociale en 2006 y étaient inscrites depuis plus de deux ans, et 15% d'entre elles comptabilisaient déjà quatre ans de galère. L'embellie financière et économique enregistrée par le pays depuis qu'elles pointent à l'assistance ne leur a été d'aucun secours, démontrant une grave panne de la solidarité et de l'équité sociale. Pauvre Suisse. ■ Michel Schweri
Commentaires