Le Monde, 31 mai 2008
La fellation est-elle permise par l’islam? La demande d’un certificat de virginité est-elle hallal (licite)? Quels contraceptifs sont religieusement légaux? En organisant un chat sur les questions de sexualité dans l’islam, le site internet Oumma.com a souhaité «libérer la parole». «Chez les pratiquants, le sexe est un sujet tabou, source d’interrogations et de frustrations. [Saïd Branine, le webmaster]» Le compte rendu de l’échange entre les internautes et Amira Nassi, conseillère conjugale, elle-même musulmane pratiquante, vient d'être publié (Le Manuel des corps mariés. Traité pratique de gynécologie appliqué à l'Islam, L’Éclipse, 2008).
La question de la virginité revient de manière récurrente sur le site. «Est-il raisonnable d’exiger que la sexualité ne puisse s’exprimer que dans le mariage? [Une internaute]» «La chasteté est le principal défi des croyants du XXIe siècle. Mais elle ne s’impose pas, elle se choisit. [Amira Nassi]»
Concernant l’examen de l’ hymen pour certifier la virginité d’une femme, la réponse est claire: la présence ou l’absence de l’hymen ne prouve rien, et «cette pratique n’est pas imposée par l’islam». Précision qui ne suffira pas à dissuader de plus en plus de jeunes femmes de faire reconstituer leur hymen par des gynécologues.
La virginité masculine, théoriquement exigée par l’islam, est aussi abordée. Un internaute s’élève contre «l’hypocrisie» permettant aux «hommes de "profiter" avec des Françaises et le jour J de se marier de manière hallal». Il fustige «la culpabilité religieuse» qui, «jusqu'à 30 ans», l'a forcé à se comporter «en moine», victime de «frustrations» qui l'ont amené à «ne penser qu'à ça».
Le chat rappelle quelques principes islamiques de base: à l’intérieur du couple, seules la sodomie et la pénétration pendant les règles sont explicitement interdites [1]; la masturbation est considérée comme un moindre mal par rapport à la « fornication»; la fellation n’est pas interdite si les deux époux y consentent; comme dans les autres monothéismes, l’avortement est interdit; la contraception, elle, est autorisée.
Face au manque de connaissances sur ces questions, Mme Nassi plaide pour le développement de cours d’éducation sexuelle dans les mosquées. ■ D'après Stéphanie Le Bars
[1] «Il est expliqué dans plusieurs livres que l'homme peut jouir de l'ensemble du corps de sa femme pendant les règles, hormis ce qui se situe entre le nombril et les genoux. (Wa llahou'alem, in: orientalement.com)»
Complément (sur le thème de la sexualité): Wikipédia1 | Wikipédia2
Le Temps, 2 juin 2008
Virginité
Un ingénieur lillois, musulman et de nationalité française, s’aperçoit lors de sa nuit de noces que sa femme n’est pas vierge. Il demande l’annulation du mariage et l’obtient. […] Ce qui est grave, c’est que la fiancée ait menti, et non pas l’état de son hymen.
Je ne sais pas si l’ingénuité de l’homme de loi est réelle ou feinte. Tenez, mettons que la fiancée ait menti à propos d’autre chose, affirmant qu’elle ne ronflait pas, ou qu’elle réussissait immanquablement le soufflé au fromage? Je ne jurerais pas que le tribunal de grande instance de Lille aurait émis le même verdict.
Il y a une bonne raison à cela: la loi française ne considère pas le mensonge en soi comme une cause d’annulation de mariage. Elle n’est pas folle, la loi, et les tribunaux assez débordés comme ça. Pour être pris au sérieux, ledit mensonge doit porter sur une «qualité essentielle» du conjoint. Le juge lillois s’est donc bel et bien prononcé sur la virginité de la fiancée, acceptant de la considérer comme une «qualité essentielle».
Plus précisément: le tribunal a accepté d’adopter la vision du monde de l’époux, qui considère la virginité comme essentielle. Le jugement explique en effet que dans la décision de cet homme d’épouser cette femme, la prétendue pureté de celle-ci a joué un rôle déterminant. Un critère abusif, contraire au respect de la sphère privée? Le tribunal a jugé que ce n’était pas à lui de juger. Un peu comme si, mariée en Iran, je me retrouvais bouclée à la maison malgré les promesses de mon mari, et que le juge accepte de m’en débarrasser, par respect pour mon attachement aux libertés individuelles.
Le problème avec le relativisme culturel, c’est qu’il est relativement peu répandu. […] ■ Anna Lietti
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