Le Matin Dimanche, 13 juillet 2008
[...] «le bon usage [de la langue française] exige que le féminin consœur ne s'emploie que si la femme ou les femmes désignées sont considérées par rapport à une ou plusieurs autres femmes de la même association. Un homme dira ainsi à une femme exerçant la même profession libérale que lui: mon cher confrère, ou, en parlant d'elle, mon confrère, Madame Une telle. [Un lecteur du Temps]» Bien sûr, c'est du purisme extrême. Même les rogatons de l' Académie française, qui ont accueilli consœur en 1988 dans leur
dictionnaire, ne mentionnent plus cette distinction. Mais elle nous dit quand même quelque chose d'intéressant sur la manière dont les gens analysent le sens des mots.
Consœur et confrère sont compris par la majorité des usagers d'aujourd'hui comme désignant des femmes et des hommes au sein d'une même profession. [1] Toutefois, l'
étymologie [2] de consœur semble être encore bien ressentie par d'autres: il s'agit effectivement d'un mot composé, adapté du latin médiéval consoror, formé de cum (avec) et de sœur. Logiquement, il implique donc bien un groupe de femmes (consœur à l'origine désigne sutout les femmes d'un même ordre religieux). Pareil pour confrère: le mot implique un groupe composé d'hommes uniquement.
Du point de vue de la communication, les choses se compliquent lorsque les groupes sont mixtes.
Les femmes parmi un groupe d'hommes sont assimilées à des hommes, surtout si ces derniers sont majoritaires. Soit. On pourrait se dire, alors, qu'à l'inverse, quand il n'y a que quelques hommes parmi une majorité féminine, on dise «Ma consœur Monsieur Un tel». Les hommes dans un groupe composé majoritairement de femmes seraient ainsi assimilés à des femmes. Mais curieusement ça ne vient à l'idée de personne!
Les puristes auront une explication toute trouvée pour justifier qu'il en soit ainsi: c'est à cause de la force magique de la règle du masculin. Un seul homme parmi des femmes et hop, on n'a plus que des confrères! ■ Marinette Matthey, sociolinguiste
1. CNRTL
2. Lexilogos
Commentaires