Le Matin, 6 juillet 2008
Aussi étrange que cela puisse paraître, le mot «canapé» tire son origine du nom du moustique en grec ancien, kônôps. Les Grecs pestaient déjà contre ces sales bêtes et cherchaient à se protéger des piqûres en utilisant un kônôpeôn, une moustiquaire. On la mettait autour d'une sorte de lit pour pouvoir se reposer en se mettant hors de portée des assaillants. Le propre des mots étant de pouvoir changer de sens, notamment si les choses qu'ils désignent sont dans un rapport de contiguïté, le kônôpeôn grec initial aboutira finalement au conopé (XIIe siècle) ou conopée (XVIe) français, c'est-à-dire qu'il en vient à désigner le meuble et non plus le rideau qui l'entoure.
Pour en arriver là, il aura auparavant transité par des gosiers latinophones (conopeum).
Les [o] de conopé passent à [a] pour une raison que je vous avouerai [...] ne pas être capable d'expliquer, et voilà qu'apparaît notre canapé au siècle de Louis XIV, avec le sens de siège où l'on peut s'asseoir à plusieurs. Puis, au XVIIIe, par analogie, on va manger des canapés - l'analogie résidant dans le fait que les canapés accueillent aussi différents ingrédients, dont des cornichons et des asperges (c'est une métaphore).
Mais quid du mot «moustique», alors? C'est encore une autre histoire. Pas mal compliquée, elle aussi. Il s'agit d'un emprunt à l'espagnol mosquito. Regardez bien l'ordre des deux dernières consonnes. On a d'abord le q puis après le t. C'est pour ça qu'en 1611 on le trouve en français sous la forme mousquite. Mais, à force d'être dit et transmis par des millions de locuteurs, l'ordre des deux consonnes de la fin devient aléatoire et elles vont finir par définitivement s'inverser pour aboutir à moustique, où le t est avant le q. Ce qui demande moins d'effort du point de vue de l'articulation. [...] ■ Marinette Matthey, sociolinguiste
Commentaires