Swissinfo, 27 août 2008
Le canton de Glaris a officiellement réhabilité […] Anna Göldi [1], «dernière sorcière d'Europe», 226 ans après sa condamnation par l'Église et sa décapitation. La gouvernante avait été jugée pour avoir empoisonné une fillette dont elle avait la garde.
Anna Göldi (1734-1782) est considérée comme la dernière victime européenne des procès en sorcellerie, et cela à une époque, fin du XVIIIe siècle, où ils avaient déjà presque partout disparu. En Allemagne, la dernière victime de cette justice particulière avait été exécutée en 1738.
Le destin tragique de la servante Anna Göldi s'est noué à Mollis, petit village du canton de Glaris, où la superstition et le fanatisme religieux le disputaient à l'abus de pouvoir.
L'affaire est ressortie des tiroirs et des archives après la publication [en 2007] d'un livre-enquête du
journaliste Walter Hauser. Il y publiait de nouveaux documents selon lesquels le tribunal saisi pour juger Anna Göldi n'avait pas la compétence de le faire.
[…]
La réhabilitation qui [a eu lieu] au Parlement cantonal n'a pas coulé de source. Le gouvernement [glaronnais (ci-après gouvernement)] et les
Églises, réformée et catholique, ont changé d'avis.
Car ils étaient d'abord opposés à la demande de réhabilitation déposée par des députés au Parlement.
«Tout a déjà été dit, le travail historique équivaut à une réhabilitation», avaient répondu, en substance, les responsables de ces instances.
Des membres du Parlement avaient insisté. Et le gouvernement, présidé [...] par la première
femme à ce poste dans le canton, […] a proposé un nouveau message. Le Parlement doit annuler […] la sentence de 1782.
«[…] il fallait dire clairement qu'Anna Göldi était innocente et avait été victime d'une scandaleuse
erreur judiciaire. [W.H.]»
Gouvernante dans la maison du notable Johann Jakob Tschudi, Anna Göldi a été accusée d'avoir jeté un sort
sur la petite fille de 8 ans dont elle avait la garde. Celle-ci aurait craché des épingles et eu des convulsions.
Or le maître de maison, médecin et magistrat, semblait entretenir une liaison avec sa servante. Il craignait pour sa réputation en cas de découverte de l'adultère.
Avant d'arriver à Mollis, Anna Göldi avait déjà eu son lot de souffrances. Née dans une famille très pauvre du canton de St-Gall, elle a dû commencer à travailler très jeune. Très jeune aussi, elle eut un enfant hors mariage, un enfant mort en bas âge.
Elle aurait eu un autre enfant dont on ne sait ce qu'il est devenu. Après plusieurs emplois, Anna Göldi était arrivée chez les Tschudi, qui la renvoyèrent six ans plus tard quand la fillette tomba malade.
Le Conseil de l'Église protestante glaronaise qui a mené le procès, n'avait pas autorité pour le faire. Les juges avaient par ailleurs décidé que leur accusée était coupable, avant le procès proprement dit. C'est ce qu'affirme le [gouvernement] dans sa demande de réhabilitation publiée le 10 juin.
Anna Göldi a été décapitée, alors que la peine de mort n'était pas obligatoire pour les empoisonnements
non mortels et que ce fait n'était même pas reconnu comme acte pénal [Gouvernement].
«Cette réhabilitation est bien plus qu'une confirmation d'innocence. C'est l'annulation d'une sanction incompréhensible et inique et la reconnaissance d'une injustice crasse prononcée par une instance illégale. [Gouvernement]»
Des recherches supplémentaires seront encore nécessaires [Gouvernement]. La réhabilitation, qui «n'est pas un point final», peut encourager le mouvement.
Mais les générations ayant suivi celle de 1782 ne peuvent porter la responsabilité des actes de leurs prédécesseurs [Gouvernement]. Elles doivent «reconnaître les actes incompréhensibles, en supporter les conséquences et en tirer les leçons.
[...] ■ Clare O'Dea (Traduction et adaptation Ariane Gigon)
1. DHS | AnnaGoeldin
Anna Göldi
Née à Sennwald (aujourd'hui dans le canton de St-Gall, mais territoire zurichois à l'époque) en 1734, Anna Göldi (ou Göldin) venait d'une famille pauvre. Célibataire, belle femme au grand charme, elle aurait eu trois enfants – les historiens ne sont
pas unanimes.
Servante dès le mois de septembre 1780 à Glaris chez Johann Jakob Tschudi, médecin, politicien et juge influent avec qui elle aurait eu des relations intimes, elle fut renvoyée en octobre 1781, après qu'on eut trouvé des épingles dans le lait de la deuxième fille de son patron, Annamiggeli, âgée de 8 ans. Celle-ci souffrait vraisemblablement de crises apparentées à l'épilepsie.
Accusée d'avoir empoisonné l'enfant, Anna Göldi fut l'objet d'un mandat d'arrêt, retrouvée alors qu'elle avait pris la fuite et emprisonnée en février 1782. Elle subit plusieurs séances de tortures et avoua avoir agi sous
l'impulsion du diable.
Dans le dernier procès de sorcellerie d'Europe occidentale, elle fut condamnée à mort comme empoisonneuse (et non comme sorcière) et décapitée le 13 juin 1782, à 48 ans.
CONTEXTE
En 2007, lors du 225e anniversaire de l'exécution d'Anna Göldi, Walter Hauser a publié son livre-enquête («Der Justizmord»). Une fondation Anna-Göldi a été créée.
La fondation veut non seulement maintenir vivant le souvenir de la servante, mais aussi s'engager pour les marginaux, pour les minorités et les victimes d'arbitraire. Un prix devrait être décerné régulièrement.
Le Musée Anna Göldi à Mollis, non loin de Glaris, a été inauguré en septembre. Les documents découverts par Walter Hauser y seront exposés de façon permanente.
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