Le Nouvel Observateur, 21 août 2008
Dès qu'on joue de la musique, que ce soit en formation de chambre ou au sein d'un orchestre, il faut faire deux choses très importantes simultanément. L'une est de s'exprimer - sinon on n'apporte pas de contribution à l'expérience musicale -, et l'autre est d'écouter les autres musiciens, composante indispensable pour faire de la musique. Pour les cordes, l'autre personne peut être son voisin, avec qui on partage le pupitre et joue la même partie. Pour les vents, l'autre joue peut-être d'un instrument différent, en contrepoint avec sa propre voix. Dans tous les cas, il est impossible de jouer intelligemment dans un orchestre en se concentrant sur une seule de ces deux choses. Jouer très bien sa partie ne suffit pas; si l'on n'écoute pas, sa propre partie risque de devenir si forte qu'elle couvre les autres, ou si douce qu'elle est inaudible. D'un autre côté, écouter ne suffit pas. L'art de faire de la musique est l'art de jouer et d'écouter simultanément, l'un intensifiant l'autre. Cela se fait à un niveau à la fois individuel et collectif: le jeu est intensifié par l'écoute, et une voix est intensifiée par une autre. ■ Daniel Barenboïm, pianiste et chef d'orchestre
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