Nouvel Observateur, 18 septembre 2008
On peut distinguer sept tendances:
1) La réduction des forces, avec pour contrepartie une amélioration de leur capacité d'action à distance, et la privatisation de nombreuses activités. Mais les armées de masse, faites de conscrits, demeurent la règle dans une grande partie du monde.
2) Un saut technologique dans les communications et l'imagerie, avec des conséquences en termes de rapidité des opérations ou de précision des frappes, ou de recours aux drones. Il est stupide de parler de guerre chirurgicale, d'autant plus que c'est faire insulte aux victimes de dommages collatéraux, qui font hélas partie de la guerre.
3) La codification croissante des règles de la guerre, avec une dimension juridique plus importante, et des interdictions plus nombreuses : armes chimiques, mines antipersonnel, bombes à fragmentation...
4) Des acteurs non étatiques mieux organisés, entraînés et équipés. [...] Cela crée des situations délicates pour les pays occidentaux, qui tentent de limiter les victimes civiles alors que leurs adversaires n'ont pas ces précautions et savent parfaitement exploiter les médias. Dans un autre registre, on constate aussi une montée en puissance des sociétés militaires privées.
5) Des opérations de soutien de la paix plus lourdes et plus complexes, dans lesquelles les soldats doivent passer sans arrêt d'un mode à un autre, du combat rapproché à l'accompagnement humanitaire.
6) La dissémination des missiles balistiques à moyenne portée et des missiles de croisière, avec pour conséquence un besoin de défense contre ces systèmes.
7) L'émergence de l'espace extra-atmosphérique et du cyberespace comme quatrième et cinquième champ de bataille, après la terre, la mer et l'air. Pour l'instant, c'est encore Washington qui domine ces espaces communs, comme Londres dominait les mers au XIXe siècle. Mais la Russie et la Chine investissent massivement dans ces domaines, comme on a pu en avoir la preuve en 2007 avec les attaques russes contre les systèmes estoniens et le tir antisatellite chinois. Il y a enfin ce qui ne change pas: le besoin d'occuper le terrain, ce qui signifie être bien protégé et souvent engager des moyens lourds, et être prêt à rester aussi longtemps que nécessaire. Les guerres ne sont pas toujours commencées au sol, mais c'est généralement là qu'elles se terminent. ■
Propos de Bruno Tertrais, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche stratégique (FRS), recueillis par Gilles Anquetil et François Armanet
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