La Croix, 24 septembre 2008
«Tous les textes internationaux de protection des droits de l’homme sont fondés sur le concept de dignité humaine… Et pourtant la dignité est sans cesse bafouée, parce que la signification de cette notion, de même que son statut, ne sont pas précis. Ce concept est-il devenu relatif, alors même qu’il est sans cesse brandi comme une sorte de référence incantatoire? N’est-il pas remis en cause, avec par exemple le développement de la génétique et de la science en général? [Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente de la
Fédération internationale de l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Fiacat)]»
De fait, si l’on admet que l’être humain existe comme une fin en soi – et non comme un moyen, selon la conception la plus communément admise aujourd’hui de la dignité –, force est de constater que cette condition n’est pas toujours respectée en matière de recherche.
Car la science dit avoir besoin d’exploiter le matériau humain pour progresser, ce qui va à l’encontre du respect qui lui est dû.
«Avec la science existe un risque de réification et de déshumanisation, car la science fait abstraction de la singularité de la personne. Elle nous traite comme objets, alors que l’on se vit comme sujets. [Jean-Claude Ameisen, immunologiste, président du comité d’éthique de l’ Inserm]»
Pourtant, […]on peut concilier réflexion éthique et recherche, à condition d’anticiper sur les évolutions prévisibles: «C’est au moment où l’on commence une recherche qu’il faut se poser la question de ses
implications, pas après. [J.-C.A]»
[…] «les dérives sont moins liées aux pratiques mises en œuvre qu’aux idées qui les sous-tendent. La science change nos représentations de l’humain. Si le regard sur l’être humain change, là il peut y avoir un
risque. [J.-C.A]»
Une analyse [qui n’est pas contredite par] le jésuite Patrick Verspieren. Pour le directeur du département d’éthique biomédicale du Centre Sèvres à Paris, la manière dont sont évoqués les progrès de la
recherche est déterminante.
«Au moment où le génome a été séquencé, on a parlé du “Grand Livre de la vie”. Cette expression a été utilisée pas les scientifiques eux-mêmes, pour obtenir des crédits. Or, il s’agit d’une représentation de l’homme éminemment contestable aux plans scientifique et éthique, car elle laisse penser que l’homme est déterminé par ses gènes: cela ruine le concept de dignité! [P.V.]»
[…] il faut donc avoir beaucoup de prudence lorsque l’on rend compte des progrès de la recherche, pour éviter de favoriser la circulation de représentations réduisant l’homme à l’une ou l’autre de ses dimensions
ou infiltrées d’une idéologie contestable. [P.V.]
Et de citer Peter Singer [1], professeur d’éthique américain, qui attribue aux animaux un rang supérieur à celui de personnes aux capacités amoindries, et qui a pu écrire que la vie d’un nouveau-né ou d’un handicapé avait moins de valeur que celle d’un animal.
Par ailleurs, le théologien moraliste estime que l’absence de référence à l’embryon, dans les différentes déclarations relatives à la protection de l’être humain, est problématique: «On accepte tacitement l’idée qu’il y a un seuil d’humanité à partir duquel l’être humain mérite le respect. Cela met en danger la notion d’universelle dignité.» ■ Marianne Gomez
Commentaires