Bulletin du Credit Suisse, août 2008
Comme chacun sait, les océans recouvrent 71% de la surface de la planète. Entre autres choses, ces gigantesques réserves d’eau rendent possible la vie sur Terre telle que nous la connaissons.
Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, les océans ont un impact sur la durée des jours terrestres. Ils ont pour cela besoin de l’aide de la Lune, qui tourne autour de la Terre en suivant une orbite légèrement elliptique distante de 384 000 kilomètres en moyenne. Les hommes attribuent à la Lune de nombreux effets, souvent bien supérieurs à la réalité. Or il est un phénomène causé par la Lune qui peut être observé deux fois par jour: la marée. Deux fois par jour, la mer monte, puis descend. Les marées résultent des révolutions de la Lune autour de la Terre.
La puissance des marées est telle que l’astre massif qu’est la Terre subit une déformation pouvant atteindre près de cinquante centimètres dans la région de l’équateur sous l’effet gravitationnel induit par la Lune et le Soleil.
La Lune et les océans ralentissent la Terre
La succession régulière des marées freine lentement mais sûrement la rotation de la Terre, en raison du frottement des mers sur les fonds marins. Les océans ne sont pas les seuls responsables de ce phénomène. Les «océans intérieurs», constitués de magma en fusion, provoquent des frottements qui y contribuent aussi.
Heureusement, cette perte de vitesse est très faible. À l’heure actuelle, la durée des jours sur Terre n’augmente chaque siècle que d’environ deux millisecondes. Pas grand-chose à l’échelle humaine. À l’échelle astronomique, en revanche, cette infime augmentation influe sur notre calendrier et, malgré sa petitesse, cet écart doit être corrigé à intervalles réguliers. C’est pour cette raison qu’une seconde d’ajustement a été ajoutée fin 1998. Sur des durées très longues, ce retard se remarque davantage.
Les coraux gardent la mémoire du temps
L’examen des coraux actuels révèle que leur squelette gagne plus de 360 anneaux de croissance par an, soit un anneau par jour. En observant les anneaux de croissance de coraux fossiles, des chercheurs ont découvert qu’il y a 400 millions d’années, un jour terrestre ne comptait que vingt-deux heures et une année plus de 400 jours.
Si l’on remonte jusqu’à 900 millions d’années en arrière, la durée des jours tombe à environ dix-huit heures. À cette époque, une année durait 490 jours. Depuis, sous l’effet du frottement des marées, la vitesse de rotation du globe terrestre a ralenti pour atteindre 365,26 rotations par an, ce qui correspond aux vingt-quatre heures par jour auxquelles nous sommes habitués.
Autrefois, les croyances voulaient que la coquille d’un nautile représente un calendrier lunaire parfait, car ces mollusques produisent un anneau de croissance à chaque révolution de la Lune. Les chercheurs Peter Kahn et Stephen Pompea firent sensation à la fin des années 1970 en publiant un article sur le sujet dans la revue «Nature». Ils montrèrent à l’aide de coquilles de nautiles que la Terre tournait plus vite autrefois et que la Lune était beaucoup plus proche d’elle. Ils en déduisirent que, depuis l’aube des temps, la Lune s’éloignait d’environ un mètre par an de la Terre. Les mesures les plus récentes ont toutefois montré que cette estimation était bien trop élevée.
La rotation de la Lune se ralentit
Le frottement des marées a déjà tellement freiné la rotation de la Lune sur son axe que celle-ci nous montre aujourd’hui toujours la même face. À part les membres de la mission Apollo, personne n’a encore vu sa face cachée. Les forces qui s’exercent dans le système Terre-Lune à travers les marées sont telles que notre satellite s’éloigne d’environ 3,8 centimètres par an de la Terre.
Dans quinze milliards d’années, la Terre mettra environ quarante-huit jours actuels pour effectuer un tour complet sur elle-même. La Lune mettra, elle aussi, quarante-huit jours à faire le tour de la Terre. Dans ce futur très lointain, la Terre et la Lune présenteront chacune la même face à l’autre.
Cependant, personne ne verra cette époque. Selon l’état actuel des connaissances, notre Soleil se transformera dans environ cinq milliards d’années en une géante rouge cent fois plus lumineuse qui s’étendra jusqu’à l’orbite de Mercure. Sur notre planète régnera une véritable fournaise, les océans s’évaporeront et la surface de la Terre deviendra brûlante, provoquant l’extinction de toute vie. Ensuite, le Soleil deviendra une naine blanche. Lorsque le Soleil aura atteint ce stade, il ne possédera plus que la moitié de sa masse actuelle et sera d’une taille comparable à celle de la Terre. ■
Andreas Walker
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