On l'a deviné: que la femme, cet animal vilain, soit doué de langage, parle comme les hommes et manie aussi bien qu'eux syntaxe et vocabulaire, est une aberration. Si la femme s'en tient strictement à sa fonction [Pour Schopenhauer [1], la femme est un être fait pour souffrir, servir, reproduire], elle n'a pas besoin de langage. La parole chez elle est donc pire qu'inutile; elle est un piège, car la femme ne se sert de la parole que pour feindre, abuser de la crédulité et de la bonne foi masculines. Elle a su faire de sa faiblesse une force et grimer en charme de conversation un dénuement mental crasse. Les femmes utilisent les mots comme des accessoires de maquillage. Que doit faire l'homme, pôle positif, en face de ce leurre, minable mais horriblement attirant? Rien. Il doit regarder ailleurs, s'abstenir. N'est-ce pas condamner à la solitude? Nullement, rétorque Schopenhauer, car l'homme a le chien. Celui-ci, tout à l'opposé de la femme, n'est point trompeur. En compagnie du chien, il n'est plus besoin de faire l'effort d'interpréter, avec de surcroît, au fond de soi, la certitude de toujours finir par être dupé. Le chien ne ment pas. il ne fait pas semblant. Le chien sait se faire comprendre sans avoir besoin de mots. «Le chien, l'unique ami de l'homme, a un privilège sur tous les autres animaux, un trait qui le caractérise, c'est ce mouvement de queue si bienveillant, si expressif et si profondément honnête. Quel contraste en faveur de cette manière de saluer que lui a donnée la nature, quand on la compare aux courbettes et aux affreuses grimaces que les hommes échangent en signe de politesse. [Schopenhauer, Douleurs du monde, pensées et fragments, Rivages poche, 1990]» Le chien est la spontanéité et la sincérité mêmes: «Ce qui me rend si agréable la société de mon chien, c'est la transparence de son être. Mon chien est transparent comme le verre. S'il n'y avait pas de chiens, je n'aimerais pas à vivre. [Ibid.]»
[...]
Schopenhauer vivait entouré d'images de ses chiens (seize gravures accrochées aux murs de sa chambre, à côté d'un buste de Kant [2], de portraits de sa mère, de Goethe [3] et de lui-même) et du masque mortuaire de l'un de ses caniches préférés. À sa mort, Schopenhauer a désigné son chien comme légataire.
Comme en réponse ou en écho à cette prédilection affirmée, Nietzsche [4] intitule un de ses fragments du Gai Savoir [5]:
Mon chien. -
«J'ai donné un nom à ma douleur et l'appelle "chien", - elle est tout aussi fidèle, aussi indiscrète et effrontée, aussi distrayante, aussi sage que n'importe quel autre chien - et je peux l'apostropher et passer sur elle mes accès de mauvaise humeur; comme d'autres font avec leur chien, leur domestique et leur femme. [Friedrich Nietzsche, Le Gai Savoir, GF Flammarion, 2000]»
Chantal Thomas, Souffrir, Payot & Rivages, 2004
1. L'Agora | Cosmovisions | StanfordU
2. L'Agora | Cosmovisions
3. L'Agora | Cosmovisions
4. L'Agora | Cosmovisions | StamfordU
5. Nietzsche
Commentaires