InfoSud, 1er décembre 2008
Tristement célèbre pour ses lois islamiques ultra-conservatrices, le Soudan est pourtant traversé par des courants modernistes peu connus en Occident. L'un de ses représentants, l' imam Sadiq al-Mahdi, […] est le petit-fils du fondateur au Soudan de Al Ansar. Ce mouvement religieux de la fin du XVIIIe siècle se distingue par son ouverture à l'égard des femmes qui a d'ailleurs influencé celle des islamistes tunisiens. Lui-même leader religieux et chef d'un des plus grands partis d'opposition au Soudan - National Umma Party - Al-Mahdi a été premier ministre de la coalition gouvernementale entre 1986 et 1989, jusqu'au coup d'État mené par l'actuel président Omar al-Bashir. Diplômé d'Oxford, membre du comité directeur du Club de Madrid, il est une figure de proue de la pensée islamiste moderniste dans le monde aujourd'hui
Les droits humains sont compatibles avec le statut de la femme en islam
[…] il faut revoir de fond en comble les textes religieux et les replacer dans le contexte actuel, et non les lire à la lumière d'il y a 1000 ans. Nous ne sommes pas liés aux opinions des exégèses de l'époque. Mais attention, il n'est pas question de laïcisation à l'occidentale. Il a existé un islam basé sur la rationalité, l'humanisme, les sciences, la pluralité, un islam où le statut de la femme a été amélioré. Il n'y a pas de raison que ce statut soit rétrograde aujourd'hui.
Ces thèses sont-elles reçues par des régimes comme l'Arabie saoudite?
Aujourd'hui l'islam est dominé par des courants conservateurs - Al Qaida ou les talibans en sont les formes les plus extrêmes - qui veulent nous lier à un passé idéalisé. Ce faisant, ils maintiennent les femmes dans une catégorie inférieure. Les grandes écoles de loi s'appuient pour cela sur des passages ambivalents du Coran ou autres textes religieux, en les reprenant littéralement. Je soutiens qu'il y a la place pour une approche différente.
[Par exemple, dans] les textes sacrés, il est écrit que le témoignage de deux femmes équivaut à celui d'un homme. Si l'on ne place pas ce passage dans son contexte, on reste prisonnier du passé. À l'époque, la plupart des femmes étaient illettrées, donc leur témoignage était basé sur la mémoire [raison pour laquelle il a été estimé qu'il fallait la confirmation d'une deuxième témoin. Aujourd'hui, le contexte est différent, ce passage ne devrait plus être pris à la lettre, et le témoignage d'une femme devrait être considéré au même titre que celui d'un homme.
Le port du voile est bien inscrit dans le Coran
[…] tout est question d'interprétation. Le Coran demande une tenue décente aux hommes et aux femmes. Mais là, […] l'homme est le sexe faible et il est demandé à la femme de l'aider à ne pas craquer... Là, hommes et femmes ne sont pas égaux.
Deux pays, la Tunisie et le Maroc, ont une législation très avancée à propos des femmes
Il y a une différence fondamentale entre les deux approches. Le code de la famille tunisien a été conçu dans un esprit laïc, en dehors de l'islam, tandis que le code marocain, la moudawana (1), développe ces droits sur la base des textes religieux. L'approche marocaine est beaucoup plus légitime pour une société musulmane que celle de la Tunisie.
Comment, sur le terrain amener des changements concrets?
Dans beaucoup de pays, les femmes sont intégrées à des comités qui étudient les lois. Mais les principaux freins se situent au niveau des coutumes. Il faut donc travailler sur les lois, mais aussi sur les changements des mentalités. Au Soudan, par exemple, la femme est reconnue dans ses droits au niveau légal. Le problème réside dans l'application de la loi. Et il y a la volonté politique. Les amendements au Maroc et en Tunisie n'auraient pas vu le jour sans une impulsion présidentielle ou du roi.
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Propos de l'imam Sadiq al-Mahdi recueillis par Carole Vann
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