Mon idée est que toute présentation de la littérature est fausse - je veux dire par là réductrice; purement polémique. Alors que pour parler véritablement de littérature il faut nécessairement parler en paradoxes.
Ainsi, toute œuvre littéraire importante, méritant le nom de littérature, incarne un idéal de singularité, de la voix singulière. Mais la littérature, qui est accumulation, incarne quant à elle un idéal de pluralité, de multiplicité, de promiscuité.
Toutes les conceptions de la littérature auxquelles nous pouvons penser - la littérature comme engagement social, la littérature comme quête d'intensités spirituelles personnelles, la littérature nationale ou la littérature mondiale - sont ou peuvent devenir des formes de complaisance spirituelle, de vanité, d'autocongratulation.
La littérature est un système - un système pluriel - de critères, d'ambitions, de fidélités. Un des éléments de la fonction éthique de la littérature est la leçon de la valeur de la diversité.
Il est évident que la littérature doit fonctionner dans le cadre de limites. (Comme toutes les activités humaines. La seule activité sans aucune limite étant la mort.) Le problème est que les limites que la plupart des gens veulent tracer empêcheraient par étouffement la liberté de la littérature d'être ce qu'elle peut être, dans toute son inventivité et dans toute sa capacité à être bousculée.
Susan Sontag, Garder le sens mais altérer la forme, 2007, Christian Bourgois, 2008
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