L'Hebdo, 16 juillet 2009
Autrement dit, la sexualité [est]-elle un phénomène socioculturel que chacun(e) pratique à sa manière, selon son histoire et ses goûts, ou une fonction physiologique dépendant du fonctionnement d'organes et de processus biologiques? Pour Leonore Tiefer [psychologue à l'École de médecine de New York et sexologue], il ne fait aucun doute que la première proposition est la bonne. Mais aujourd'hui, un certain nombre de médecins préfère considérer la question sous l'angle purement médical. Cela conduit à ce que les Anglo-Saxons nomment le
disease mongering [1], c'est-à-dire la construction artificielle de maladies qui permet de développer de nouveaux marchés. [2] En exergue de la nouvelle campagne d'information,
New View Campaign qu'elle a lancée, la psychologue a d'ailleurs placé cette question: «Le sexe pour votre plaisir ou pour leur profit?» ■ Élisabeth Gordon
2. Cela fait dix ans que Leonore Tiefer est partie en guerre contre la médicalisation de la sexualité. Et tout particulièrement contre les dysfonctionnements sexuels féminins (DSF) qui, selon elle, sont une pure invention de l'industrie pharmaceutique et des médecins qui lui sont associés. Tout a commencé en 1998 avec la mise sur le marché du Viagra qui a «révolutionné la vie sexuelle». Surpris par l'extraordinaire succès de la pilule bleue, son fabricant, Pfizer, a voulu doubler la mise en élaborant un «Viagra rose». Mais après l'avoir testé sur près de 3000 femmes, l'entreprise pharmaceutique a finalement renoncé en 2004, admettant qu'hommes et femmes établissent des liens fondamentalement différents entre l'excitation et le désir. Malgré cet échec, «un nombre toujours plus important d'entreprises pharmaceutiques, petites et grandes - à commencer par Procter & Gamble - cherchent encore à mettre au point des médicaments contre les DSF. Ces troubles font désormais partie de la «réalité médicale». La sexualité est particulièrement vulnérable à la construction artificielle de nouvelles pathologies.»
Commentaires